
Les communications étaient encore, jusqu’il y a quelques jours, très compliquées avec lui. Quasi absent de la scène politique, le numéro un du régime iranien, caché avec sa famille et protégé par l’unité des forces spéciales Vali-ye Amr des Gardiens de la révolution, , suspendant les communications électroniques par crainte d’être ciblé par Israël.
Au lendemain des frappes américaines de dimanche sur les installations nucléaires du pays, des sources avaient indiqué au site IranWire que plusieurs figures de la politique iranienne, notamment l’ancien président , l’ex-président du Parlement Ali Larijani et l’ancien chef du pouvoir judiciaire Sadegh Larijani, ont tenté, en vain, de contacter Ali Khamenei pour lui demander d’entamer des négociations directes avec les .
« Théorie du choc »
Selon lui, la situation pourrait se répéter avec l’Iran, aujourd’hui « très affaibli » et disposant de « peu de marge de manœuvre face à Israël, qui exerce désormais une domination sur la région ». Ainsi, l’armée israélienne pourrait continuer de viser ponctuellement des installations stratégiques iraniennes. « On assiste à une forme de stabilité dans l’instabilité, qui risque de durer. » Reste à savoir comment le régime iranien choisira de se positionner.
Dans ce type de contexte, « le régime tend à se ressouder pour éviter de voir des éléments de contestation dans la population ou dans les mouvements réformateurs émerger », explique Jonathan Piron. Même si certaines factions internes « sont parfois en opposition ou se détestent », elle « font bloc face à la menace », car « leur intérêt commun prime sur leurs divisions ». Une logique de durcissement typique « des régimes autoritaires confrontés à l’instabilité », selon ce spécialiste.
Contrairement à la plupart des pays du monde, en Iran, le président n’est pas le chef de l’État. , nommé à vie par l’Assemblée des experts. Signe de la situation précaire que traverse le régime, l’ayatollah Khamenei a nommé trois hauts dignitaires religieux comme candidats pour lui succéder s’il était tué, , qui s’appuie sur les dires de trois responsables iraniens. Il a pris une série de mesures extraordinaires pour préserver la République islamique.
Normalement, le processus de nomination d’un nouveau Guide suprême prendrait plusieurs mois, l’Assemblée des experts choisissant parmi leurs propres listes de noms. Mais selon les responsables interrogés par le quotidien américain, « alors que le pays est désormais en guerre, l’ayatollah souhaite assurer une transition rapide et ordonnée, et préserver son héritage. […] Ali Khamenei a pris la décision inhabituelle de demander à l’organe religieux chargé de nommer le Guide suprême, de choisir rapidement son successeur parmi les trois noms qu’il a proposés. »
Le fils de l’ayatollah Khamenei, , également religieux et proche du corps des Gardiens de la révolution islamique, était considéré comme favori mais ne figure pas parmi les candidats, ont indiqué les responsables interrogés par le New York Times. Les opinions de Mojtaba Khamenei font pourtant écho à celles de son père sur tous les sujets importants, de la répression des opposants à l’adoption d’une ligne dure avec les ennemis étrangers.
« Certains avancent la théorie du choc : si Khamenei meurt, cela pourrait ébranler le régime », explique Clément Therme, auteur d’un ouvrage à paraître en août intitulé « Idées reçues sur l’Iran » (éd. Le Cavalier Bleu). Mais d’autres, plus institutionnalistes, estiment au contraire que les mécanismes de succession sont déjà en place, notamment à travers l’Assemblée des experts et cette fameuse liste de trois noms, ajoute le chercheur.
Chasse aux espions
Néanmoins, depuis l’attaque surprise d’Israël contre l’Iran, la crainte d’une a ébranlé le pouvoir iranien.
« Le noyau dur du régime entre dans une phase de paranoïa aiguë », observe Jonathan Piron. Les frappes israéliennes des premiers jours, qui ont « décapité le commandement des » et touché des sites nucléaires stratégiques, ont révélé « la profonde infiltration des services de renseignement israéliens jusqu’au cœur du pouvoir iranien ». Un climat de suspicion extrême qui pourrait pousser le régime à davantage de repli : « Le Guide pourrait n’apparaître que dans des mises en scène très contrôlées », avance l’historien, ajoutant que cette paranoïa pourrait aussi « se retourner contre la population, perçue comme un ennemi intérieur à surveiller, voire à réprimer ».
Une bonne partie de l’état-major des Gardiens de la révolution a été décimé, quasiment tout le commandement de la Force aérospatiale des Pasdarans, et ceux qui les remplacent doivent désormais asseoir leur légitimité. « On ne connaît pas encore vraiment les profils qui ont émergé, même si, semble-t-il, ils ont travaillé avec les personnes qui ont été éliminées. Donc on n’est pas face à des novices », explique Jonathan Piron. « Reste à savoir si la confiance pourra s’établir durablement entre ces nouvelles figures et, surtout, autour du Guide suprême. »
Visiblement, parmi les quelques noms divulgués, les remplaçants appartiennent encore à la génération qui a vécu la guerre Iran-Irak (1980-1988), « ce qui crée aussi une fraternité d’armes, des références communes », détaille le chercheur.
Toutefois, estime Clément Therme, « les assassinats par Israël ont accéléré le processus de renouvellement générationnel » au sein des Gardiens. « Cela va peut-être engendrer une nouvelle organisation à l’intérieur du système. Mais il ne faut pas penser qu’un jeune radical sera ‘mieux’ qu’un vieux radical. En fait, tout le monde est idéologisé. La République islamique est une idéocratie. »
La manne pétrolière des Gardiens
Même affaibli par la guerre, avec une structure sécuritaire fragilisée, des infrastructures militaires ou nucléaires endommagées et , le régime iranien conserve une capacité à remplacer les responsables éliminés et reconstruire ce qui a été détruit. « Tant qu’il dispose des revenus pétroliers et que personne n’est prêt à aller au sol pour les défaire – même s’il n’est pas à l’abri d’une révolte des « , estime Clément Therme.
L’armée israélienne a en effet épargné l’île de Kharg, le plus important terminal d’exportation de pétrole iranien dans le Golfe, traitant plus de 90 % des exportations de pétrole brut du pays. a d’ailleurs affirmé mardi dans une déclaration très étonnante que . »Le régime est dans une situation en effet de de grande faiblesse. Mais il n’est pas abattu », considère également Jonathan Piron. Affaibli, le pouvoir iranien risque de se replier sur une stratégie bien rodée de répression, souligne le chercheur.
Face à une population déjà éprouvée par la guerre et une crise sociale et économique, le régime pourrait renforcer la contrainte pour prévenir toute contestation. . Dans cette logique de défense, le régime cherche à dissuader toute contestation à l’intérieur du pays.
Un nouveau soulèvement populaire reste toutefois envisageable. « Il suffirait d’un événement symbolique pour raviver la contestation », note Jonathan Piron, même si rien ne permet de prévoir quand ces mouvements surgissent. « Ce n’était pas du tout le cas quand la guerre était en cours, c’est peut-être possible maintenant que le conflit est terminé. »
La source de cet article se trouve sur ce site