Interview de Esther Amar. Gila Gamliel, ministre israélienne de l’Innovation, des Sciences et de la Technologie.

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Cinquante ans, mariée, cinq enfants, issue d’une famille de Juifs yéménites de Gedera, par son père, Gila Gamliel est la ministre israélienne de l’Innovation, des Sciences et de la Technologie. Membre du cabinet de politique et de sécurité, et députée du Likoud, elle s’est engagée très jeune en politique et a été la première femme à présider le syndicat national des étudiants. Son frère, Chaim, fut président du Likoud à Gedera ; son autre frère, Yoel Gamliel est maire de Gedera ; un autre parent, Aryeh Gamliel, est un ancien député du parti Shass. Gila Gamliel a fait de la lutte contre le boycott académique l’un de ses chevaux de bataille. Le conseil des présidents d’universités, qui vient de remettre son rapport semestriel sur le boycott contre les universités et les chercheurs israéliens, pointe une hausse du nombre des plaintes de 66 %. Les appels au boycott d’organisations propalestiniennes ou du BDS peuvent prendre diverses formes : atteintes aux collaborations entre institutions et aux participations à des groupes de recherche, baisse de la participation aux conférences universitaires ou aux cours magistraux, publications non validées par les pairs… Pourtant, la ministre reste optimiste et prévoit en 2025 une croissance fondée sur l’innovation, centrée sur l’inclusion sociale et les technologies avancées avec la promotion de programmes technologiques dédiés aux communautés haredi, arabe et druze. Actu J a interviewé la ministre dans la foulée de sa rencontre en France avec Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Quelles sont vos actions face aux appels au boycott académique en France ou dans le monde ?

Gila Gamliel : Israël et la France partagent des valeurs communes qui constituent une base solide pour une coopération dans de nombreux domaines. Nous envisageons de récompenser de jeunes scientifiques avec un prix annuel de 15 000 euros. J’ai salué la position ferme du ministre français contre les boycotts visant les étudiants juifs. Face au boycott, aux manifestations d’antisémitisme et à l’incitation  anti-Israël sur les campus qui  s’intensifient, j’ai défini une mission nationale d’urgence destinée à fournir une réponse systémique et stratégique. La première phase comprend un soutien aux universités israéliennes par l’organisation de conférences internationales, l’encouragement de délégations de chercheurs de haut niveau en Israël, des programmes d’échanges d’étudiants, des actions juridiques et le renforcement de la visibilité internationale de la recherche israélienne. Je maintiens un contact régulier avec les leaders communautaires et des étudiants juifs à l’étranger. Lors de ma visite à l’université Columbia, qui connaît le plus grand nombre d’incidents antisémites, j’ai transmis un message ferme : l’État d’Israël ne restera pas passif lorsque des chercheurs et des étudiants juifs sont persécutés.

Comment se concrétise la coopération scientifique avec les centres de recherche en France ?

G.G. : Israël a une longue tradition de coopération avec la France. Depuis 2012, plus de 100 recherches conjointes ont été financées sur des thèmes liés à l’écologie, l’environnement marin, l’agriculture ou la sécurité  alimentaire. Exemple : le satellite VENµS, développé en partenariat entre l’Agence spatiale israélienne et le CNES qui a fourni des données spatiales critiques sur la végétation, l’eau et l’environnement à travers le monde. Le lancement de la mission C3IEL, prévue pour 2028, contribuera à la compréhension des nuages et améliorera les prévisions climatiques mondiales. Israël et la France cofinancent chaque année, via le programme « Maïmonide », huit recherches en environnement, en agriculture et dans les énergies alternatives.

Quels sont les objectifs principaux de votre ministère ?

G.G. : Nos missions sont de promouvoir l’excellence et de positionner Israël en tant que leader mondial dans le développement et l’application de technologies innovantes, notamment dans le domaine de l’IA responsable;  de développer la prochaine génération de scientifiques, de technologues et de chercheurs ; de renforcer la recherche appliquée ; de développer le capital humain et de rendre la science accessible à tous. Ces dernières décennies, nos scientifiques et chercheurs ont mené des percées majeures en agriculture, biologie, génétique,  chimie, équipements médicaux et santé, avec des découvertes ayant conduit au développement de traitements innovants et à une compréhension approfondie de processus biologiques complexes. Nos technologies sont utilisées dans le monde entier.

Vous avez déclaré que « 2025 sera une année de croissance ». Avez-vous les moyens de vos ambitions ?

G.G. : Malgré les défis, nous avons réussi à préserver et même à augmenter le budget du ministère afin de renforcer les principaux moteurs de croissance : IA , éducation scientifique et technologique, exploration spatiale et développement du capital humain, moteur principal de cette croissance. Le ministère pilote la deuxième phase du programme national d’IA en coopération avec plusieurs organismes gouvernementaux, avec un investissement total d’environ un demi-milliard de shekels. Un système intelligent de gestion des bourses de recherche (Kadmat Mada) sera mis en place, ainsi que des centres de savoir sur la société bédouine, le post-traumatisme et l’acclimatation des immigrants, tout en poursuivant la lutte contre le boycott académique. En outre, le ministère fera avancer la législation sur la règlementation de l’espace civil en Israël.

Vous avez rejoint la convention européenne sur les risques liés à l’intelligence artificielle. Pourquoi était-ce crucial ?

G.G. : La signature de la première convention internationale pour la régulation de l’IA exprime notre engagement envers une innovation fondée sur la démocratie et l’État de droit. Nous avons ainsi positionné Israël aux côtés de leaders mondiaux, États-Unis, Royaume-Uni et UE. La convention oblige les états à identifier et à atténuer les risques, garantit la transparence, l’équité et la responsabilité, et servira de base réglementaire pour l’application des technologies d’IA dans les secteurs public et privé.

Par ailleurs, un programme phare du ministère vise à rendre le monde de l’IA accessible aux jeunes, notamment de la périphérie, afin de développer des compétences essentielles pour leur avenir, l’égalité et la mobilité sociale. L’après-midi, les enfants créent des contenus numériques ludiques, produisent des vidéos et apprennent à créer avec l’IA. La jeune génération, dès la maternelle, doit être formée aux technologies qui transformeront la société et l’économie. Le développement du capital humain se poursuivra à travers des cours d’IA dans 131 collectivités locales à destination des enfants et des jeunes, l’établissement et l’exploitation de centres régionaux de physique comme pôles d’excellence scientifique, des incubateurs technologiques dans le nord.

Qu’attendez-vous de l’accord concernant l’astronaute israélienne ?

G.G. : La mission de formation de la première astronaute israélienne représente un investissement important en matière de leadership scientifique, une étape historique pour l’industrie spatiale israélienne, et un investissement significatif dans l’avenir scientifique, technologique et social de l’État d’Israël. Il s’agit d’égalité des chances, d’autonomisation des femmes et d’inspiration pour la jeune génération en Israël et dans le monde juif. Lors de ma visite au centre spatial de Houston, en septembre dernier, j’ai exploré les installations et discuté avec la NASA du renforcement de la coopération. Je travaille, en collaboration avec l’Agence spatiale israélienne, à promouvoir la vision de l’intégration d’une femme israélienne dans une mission spatiale. Dans les mois à venir, l’agence fera progresser un programme structuré qui jettera les bases d’une formation officielle, peut-être dès 2026.

Est-ce qu’Israël se prépare suffisamment au réchauffement climatique ?

G.G. : Israël fait face aux défis du réchauffement climatique en combinant recherche, innovation et coopération internationale. Notre ministère dirige la création d’un centre de calcul climatique avancé en collaboration avec le service de météorologie et investit pour développer des variétés agricoles résistantes et des solutions aux défis sanitaires et environnementaux, ainsi que dans des technologies DesertTech reconnues à l’échelle mondiale. Israël constitue un point d’observation unique pour les changements climatiques.

Ce pays semi-désertique est doté de systèmes de surveillance précis, et attire des chercheurs du monde entier, y compris de France, qui souhaitent étudier les effets du changement climatique. L’un de nos objectifs principaux est de promouvoir la coopération internationale dans le but de renforcer et d’optimiser la science israélienne tout en partageant les connaissances et l’expérience acquises en Israël pour résoudre des problèmes mondiaux majeurs.■

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