Qui se cache derrière Kneecap, le groupe de rap nord-irlandais accusé de soutenir le Hezbollah ?
Par Delphine DE FREITAS
L’un des membres du trio originaire de Belfast a été inculpé pour « infraction terroriste » après avoir brandi un drapeau du Hezbollah lors d’un concert à Londres en novembre.
Les rappeurs, qui nient toute « infraction », dénoncent « une police politique » et promettent de « se défendre vigoureusement ».
Pas étrangers aux polémiques, les artistes sont particulièrement scrutés depuis une performance controversée lors du festival américain Coachella le mois dernier.
Il a rendez-vous avec la justice le 18 juin. Liam O’Hanna est convoqué par un tribunal londonien après avoir été inculpé pour « infraction terroriste ». Plus connu sous le pseudo de Mo Chara, le benjamin du groupe Kneecap fait l’objet d’une enquête de la police antiterroriste pour avoir brandi un drapeau du Hezbollah lors d’un concert dans la capitale anglaise en novembre dernier. Le trio venu d’Irlande du Nord dément depuis des semaines tout soutien au mouvement islamiste libanais, placé sur la liste des organisations terroristes au Royaume-Uni, ainsi qu’au Hamas.
« Nous ne sommes pas le sujet, le génocide l’est »
Kneecap
« 14.000 bébés sont sur le point de mourir de faim à Gaza (…) et encore une fois, l’establishment britannique se concentre sur nous », s’insurge la formation dans un communiqué écrit noir sur rouge, dénonçant une « police politique ». Kneecap avance que les autorités cherchent à « limiter leur capacité à voyager », à « les empêcher de parler aux jeunes autour du monde », à « faire taire les voix de la compassion » et à « poursuivre les artistes qui osent prendre la parole ». « Nous nions cette infraction et nous nous défendrons avec véhémence (…). Nous ne sommes pas le sujet, le génocide l’est », insiste le trio devenu un porte-voix de la cause palestinienne outre-Manche.
Ces mots, Mo Chara, Moglai Bap et DJ Provai les avaient déjà hurlés sur la scène du très populaire festival de Coachella, dans le désert californien, en avril. Kneecap avait alors accusé Israël de « génocide contre le peuple palestinien » à Gaza, provoquant une vague de vives réactions. Et incitant d’autres à s’intéresser à de précédentes prestations des trois amis.
Sur une vidéo diffusée en ligne, l’un d’eux semble crier « allez le Hamas, allez le Hezbollah » lors d’un concert à Londres l’an dernier. Sur une autre, datée de novembre 2023, une personne sur scène déclare qu’un « bon Tory (membre du parti conservateur britannique) est un Tory mort. Tuez votre député ». Cités par la BBC , les principaux intéressés assurent que la séquence a été « sortie de son contexte », présentant leurs excuses aux familles des députés assassinés Jo Cox et Sir David Amess .
Leur faux biopic a reçu un César britannique
La cheffe de file des conservateurs Kemi Badenoch a depuis réclamé l’interdiction du groupe. Des élus ont eux appelé à déprogrammer les rappeurs du mythique festival de Glastonbury fin juin. Leurs performances au festival Eden Sessions, dans les Cornouailles, en juillet ainsi que trois concerts prévus en septembre en Allemagne ont déjà été annulés. Qu’il semble loin le temps où Kneecap foulait tout sourire le tapis rouge des Bafta, les César britanniques, avec un premier film portant son nom en février. Formé à Belfast en 2017, le trio joue son propre rôle dans un faux biopic narrant son ascension jusqu’au succès. Ce projet salué par la critique a été récompensé du Bafta du meilleur premier film.
« Kneecap est plus qu’un film, c’est un mouvement qui prône le respect de la langue, de la culture et de la patrie de chacun, et ce prix est dédié à tous ceux qui mènent ce combat », avait déclaré le réalisateur Rich Peppiatt au moment de recevoir son prix. Un mois avant la cérémonie, GQ (nouvelle fenêtre)écrivait que le groupe « menait la révolution de la langue irlandaise de Belfast Ouest », décrivant les artistes comme « controversés, décomplexés et maintenant très célèbres » grâce à ce film donc et à leur album Fine Art sorti en 2024.
Le nom de la formation donne le ton d’un groupe fier de ses racines, Kneecap désignant une blessure infligée au genou, souvent par balle, par l’IRA pendant la guerre civile en Irlande du Nord. Le groupe a fait de sa langue natale un cri « anticolonialiste » face à la puissance britannique. « C’est une histoire internationale de langues opprimées, car la première étape du colonialisme, c’est évidemment d’éradiquer la langue et la culture », notait Mo Chara auprès de l’AFP en marge de Coachella.
Rapper en irlandais gaëlique, reconnu comme langue officielle uniquement en 2022, est un acte de résistance pour le trio qui prône la réunification de l’Irlande. « Nous venons de Belfast et de Derry, en Irlande, qui sont toujours sous domination britannique », ont-ils lancé au public de Coachella, « mais il y a une autre occupation, bien pire, en ce moment : libérez la Palestine ! »
« Nous sommes plus clairs que jamais sur qui nous sommes et ce que nous représentons », insistent-ils encore cette semaine sur leurs réseaux sociaux. Plusieurs grands noms de la musique comme Pulp, Fontaines D.C. et Massive Attack ont signé début mai une lettre de soutien au groupe, cible selon eux d’une « répression politique » et d’une « tentative claire et concertée de censure et de déprogrammation ».
Delphine DE FREITAS
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