« Elle illuminait chaque pièce » : la survivante de l’Holocauste Eve Kugler décède à l’âge de 94 ans
Âgée de sept ans en 1938, lors de la Nuit de Cristal, sa famille fut déchirée par les nazis mais fut réunie en 1946.
Par MICHELLE ROSENBERG
Eve Kugler, survivante inspirante de la Shoah, est décédée à l’âge de 94 ans.
Eve, une éducatrice passionnée de l’Holocauste, née en Allemagne, avait récemment assisté au dîner annuel du Centre des survivants de l’Holocauste de Jewish Care, partageant des souvenirs alors qu’elle était assise à côté de sa collègue survivante, Mala Tribich.
Née en 1931, Kugler n’avait que sept ans lorsque les nazis ont fait irruption chez elle lors de la Nuit de Cristal ; des centaines de synagogues en Allemagne ont été incendiées, des maisons, des écoles et des magasins juifs ont été vandalisés et près de 100 Juifs ont été assassinés.
Comme le rapporte Jewish News , elle se souvient : « Les soldats nazis sont entrés chez nous, et j’ai regardé avec ma sœur comment ils ont saccagé notre maison et emmené mon père et mon grand-père au milieu de la nuit. Cette nuit-là, la synagogue que mon grand-père avait contribué à construire a été réduite en cendres, sous le regard des pompiers. »
Elle a fui l’Europe occupée par les nazis pour les États-Unis en 1941 et a travaillé comme journaliste avant de s’installer à Londres en 1990 et d’épouser Simon Kugler, son deuxième mariage, en 1991. Elle a reçu un BEM en 2019 pour ses services à l’éducation sur l’Holocauste et s’est adressée à des milliers de personnes par an par l’intermédiaire du Holocaust Educational Trust.
Elle a été immortalisée en bronze par la sculptrice internationale Frances Segelman en juin 2023.
En hommage, le groupe éducatif March of the Living UK ( Marche des Vivants RU) a déclaré : « La famille de la March of the Living est dévastée par la perte de notre chère amie et survivante de l’Holocauste, Eve Kugler BEM z”l. Eve se rend en Pologne avec la March of the Living UK depuis le tout début. »
Ève Kugler. Photo : HET Twitter/X
Elle a pris la parole devant des milliers de participants et son témoignage a inspiré des générations. Nous avons eu le privilège d’accompagner Eve dans sa ville natale en Allemagne, d’organiser la pose de Stolpersteines pour sa famille et nous l’avons même emmenée pour une visite historique à Dubaï, où elle a pris la parole à l’occasion de l’anniversaire de la Nuit de Cristal.
En plus d’être une éducatrice exceptionnelle, elle était une amie et un membre de la famille pour beaucoup d’entre nous. Sa joie de vivre était contagieuse et elle illuminait chaque pièce où elle se trouvait. Nous ressentons une douleur indicible, mais notre engagement à raconter son histoire restera au cœur de tout ce que nous entreprenons.
Dans un hommage rendu à Eve, Karen Pollock, directrice générale du Holocaust Educational Trust, a décrit Eve comme « l’incarnation de la force et de la détermination et elle a illuminé chaque pièce – elle avait un sourire contagieux et un esprit effronté ».
HET hommage à Eve Kugler. 23 avril 2025
Née en 1931 à Halle, ville moyenne allemande où son père possédait un petit grand magasin, Eve grandit aux côtés de ses sœurs, Ruth et Lea, dans une période de répression toujours croissante contre les Juifs, terrifiée par les nazis en uniforme qui lui semblaient être partout.
Bien que son père ait demandé un visa pour la Palestine en 1935, la famille fut à plusieurs reprises ignorée par les autorités juives au profit d’autres personnes menacées d’arrestation imminente. « Il ne t’arrivera rien », dirent-ils au père d’Ève. « Tu n’es qu’un homme d’affaires. »
En octobre 1938, le grand-père d’Ève, âgé de 79 ans, fut arrêté avec des milliers d’autres Juifs polonais vivant en Allemagne et renvoyé en Pologne lors de la première déportation nazie. Dix jours plus tard, c’était la Nuit de Cristal. Six nazis saccagèrent leur maison.
Ils ont détruit les biens et les livres sacrés juifs de son grand-père avant d’emmener le père d’Ève sous les yeux de sa sœur et d’elle. Cette nuit-là, les nazis ont brisé les vitrines du magasin de son père et, le lendemain, sa mère a dû passer des heures à balayer les débris.
Eve Kugler immortalisée en bronze par la sculptrice Frances Segelman, juin 2023.
Leur synagogue, fondée par le grand-père d’Ève, brûla sous l’intervention des pompiers. La mère d’Ève obtint la libération de son père de Buchenwald. Celui-ci partit pour la France et la famille fut expulsée de son domicile. Ils vécurent chez le grand-père maternel d’Ève dans des conditions exiguës.
En juin 1939, la famille s’enfuit en France grâce à un faux visa. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, les Français internèrent son père, citoyen allemand. Sa mère plaça ensuite les filles dans un foyer pour enfants juifs en banlieue parisienne, où elle devint cuisinière.
À l’approche de Paris en juin 1940, le foyer résista aux bombardements nazis. Après la chute de Paris et la capitulation française, les enfants furent évacués vers le centre de la France où ils vécurent sous l’occupation nazie. En 1941, le foyer obtint un visa pour les États-Unis pour un petit nombre d’enfants.
La plupart des enfants choisis étaient orphelins, mais à la dernière minute, deux d’entre eux ont perdu leur place pour cause de maladie. Ève et Ruth ont pris leur place, laissant leurs parents et Léa derrière elles. Pendant les cinq années suivantes, Ève a vécu à New York dans trois familles d’accueil différentes, parfois séparée de sa sœur.
Lors de la rafle des Juifs de 1942, la Résistance française cacha Léa, alors âgée de cinq ans, dans un couvent catholique. Ses parents survécurent à la guerre dans les camps de concentration français. Ils furent réunis à New York en 1946.
JForum.fr avec www.jewishnews.co.uk
Eve Kugler. Photo : Sam Churchill Photography
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