Voyage magique au Maroc. « Nous approchons des montagnes du Moyen Atlas en direction de Meknès, une des 4 villes impériales du Maroc »

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Que reste-t-il aujourd’hui de l’immense patrimoine juif au Maroc ?

Voyage initiatique me menant dans les pas de ma famille maternelle, je pars à la découverte de la vie de mes grands-parents, enseignants originaire d’Irak et de Turquie, envoyés au Maroc par l’Alliance Israélite Universelle et de celle de ma mère, née à Casablanca où elle a passé toute sa jeunesse.
Le voyage débute par sa capitale économique, Casablanca, ville occidentalisée et moderne.

Cette grande cité portuaire a, de tout temps, connu la plus importante communauté juive du Maroc ; encore aujourd’hui, elle regroupe la majorité des quelques milliers qui restent. Elle abrite des synagogues, des restaurants casher, quelques boucheries et une institution habad.

Casablanca comptait avant l’Indépendance 2 quartiers juifs principaux : l’ancien mellah et l’ex quartier européen du centre ville. Le premier, toujours très animé, ne compte quasiment plus de Juifs sauf quelques rares bijoutiers encore présents. Leurs magasins et habitations ont été investis par les Arabes.

L’ancien quartier juif européen
C’est celui où a grandi ma mère. Elle y a habité de nombreuses années. Non loin du port, il rassemblait autrefois les Juifs de la petite et moyenne bourgeoisie occidentalisée. Maintenant ce quartier ne rassemble plus qu’une vingtaine de familles juives. Les autres, sorties du mellah, vivent disséminées dans la ville moderne.

En quittant la plaine côtière et les villages qui bordent la route, nous approchons des montagnes du Moyen Atlas en direction de Meknès, une des 4 villes impériales du Maroc avec Fès, Marrakech et Rabat et autrefois centre d’une communauté juive florissante.

Caché derrière des murs nus ocre foncé, le vieux cimetière juif de la ville, immense, témoin de l’importance de la communauté d’antan. Une des spécificités du judaïsme marocain réside dans ses innombrables cimetières abritant un grand nombre de saints et de sages.

En route pour Fès. Le cimetière et la synagogue datant du XVIIe siècle se situent dans l’ancien mellah, le plus important du Maroc dont il reste quelques belles demeures aux balcons andalous. A l’intérieur du cimetière aux tombes bien blanches, le musée d’Edmond Gabay accueille un incroyable bric-à-brac, véritable inventaire relatant le quotidien des Juifs de la ville. Cette caverne d’Ali Baba renferme tous les objets de la vie courante qu’ils ont abandonnés précipitamment et laissés en l’état, au milieu d’objets de culte. Ils témoignent de l’intimité des familles. Une sorte d’intrusion dans une existence passée, évanouie. Le musée est en fait une ancienne synagogue transformée. On y découvre l’armoire contenant les rouleaux de la Loi, des inscriptions liturgiques gravées aux murs.

Quant aux autres innombrables synagogues, soit elles ont été détruites, soit elles sont bien conservées et sauvegardées, soit elles ont été transformées en musées faute de fidèles. Elle sont alors gardées ou habitées par des Arabes. La petite mais haute synagogue Even Danan est signalée par un panneau dans le circuit du mellah. Désaffectée, elle fait office de musée ouvert tous les jours sauf le samedi, gardée par un arabe qui l’habite. La synagogue a été restaurée en 1999 non seulement par des dons privés mais également avec le soutien de l’UNESCO, du JOINT et du Congrès Juif Mondial. En passant par le balcon des femmes, on accède à une terrasse d’où l’on voit une partie du cimetière.

Au très beau Musée des arts populaires, parmi tous les artisanats, on apprend que le métier de bijoutier était essentiellement juif. Ce sont eux qui auraient développé cet artisanat dans le pays.

Il est difficile aujourd’hui d’obtenir une estimation précise sur le nombre de Juifs au Maroc : entre 2.000 et 7.000. Ceux qui y résident sont principalement des personnes âgées, des retraités ou des possédants d’affaires, surtout des commerces. Une minorité de Juifs ayant quitté le Maroc y sont revenus (surtout d’Israël ) faute de pouvoir s’adapter ailleurs. En tout cas, tous les Juifs du Maroc ont de la famille en Israël et s’y rendent régulièrement.

Quant aux jeunes, ils partent, essentiellement en Israël, en France, au Canada ou encore aux Etats-Unis. D’abord parce qu’ils sont conscients que leur avenir professionnel ou personnel n’est pas au Maroc. Ensuite pour des problèmes de shidouhim.

Les grands centres urbains disposent d’infrastructures nécessaires à la communauté : synagogues, boucheries, etc. Les Juifs avouent vivrent en bonne entente avec les musulmans. Ils ne se sentent pas victimes d’actes antisémites ou de climat hostile. De rares personnes ont été les cibles d’agression physique au couteau. Cependant, les Juifs du Maroc admettent quand même ne pas se promener dans la rue avec kippa ou tsit-tsit dehors.

Je quitte le Maroc avec un petit pincement au cœur. J’ai découvert un beau pays aux habitants accueillants et serviables. En partant, je laisse derrière moi une partie de mon histoire familiale. Je laisse surtout ma grand-mère Noémie dont je porte le prénom, enterrée au cimetière Ben M’sik de Casablanca. Mais j’emporte avec moi les souvenirs d’une terre où jadis a fleuri une riche communauté juive aujourd’hui disparue dont il ne reste que d’innombrables vestiges figés.

Noémie Grynberg.

(Copyrights).

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