Qui dirige Israël; la Haute Cour de justice ou Netanyahu
Un bras de fer judiciaire menace l’équilibre démocratique en Israël
Alors que le pays est toujours en état de choc depuis les attaques du 7 octobre et que les familles d’otages attendent désespérément des nouvelles, Israël traverse une nouvelle turbulence, cette fois d’ordre institutionnel. Une confrontation inédite entre le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le pouvoir judiciaire agite les plus hautes sphères du gouvernement, et place au centre de cette tempête Ronen Bar, le directeur du Shin Bet, le service de sécurité intérieure.
La tentative de Netanyahou de démettre Bar de ses fonctions a été suspendue par la Haute Cour de justice, qui a ordonné un gel de la procédure jusqu’à la fin de la fête de Pessah. Cette décision, bien qu’elle n’empêche pas une révocation future, vise à éviter une escalade qui pourrait porter atteinte aux fondements démocratiques de l’État israélien.
Un enjeu bien plus vaste qu’une nomination
En apparence, il s’agit d’un désaccord bureaucratique autour d’une fin de mandat. Mais cette affaire dépasse largement le cas personnel de Ronen Bar. Elle soulève la question cruciale de la séparation des pouvoirs et de l’autorité légitime en temps de crise.
Netanyahou a qualifié la décision de la Cour de « déconcertante », en avançant qu’un chef du Shin Bet sous enquête ne devrait pas pouvoir conserver son poste. Il craint qu’un précédent ne soit créé : celui d’un responsable de la sécurité capable de lancer une enquête sur un ministre, puis de s’en servir comme bouclier contre son renvoi.
Cependant, les faits montrent que Bar n’a pas cherché à s’accrocher à son poste. Il a publiquement reconnu des erreurs dans l’évaluation des menaces précédant les attaques du 7 octobre, et a d’ores et déjà annoncé son intention de quitter ses fonctions en mai. Pour de nombreux analystes, comme Yonah Jeremy Bob du Jerusalem Post, il est clair que Bar s’apprête à partir dans les semaines à venir. Provoquer une crise institutionnelle pour quelques jours de présence supplémentaires paraît donc disproportionné.
Une crise politique aux résonances profondes
L’affaire a pris une tournure politique, certains membres du gouvernement appelant ouvertement à ignorer la décision de la Cour. Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, réclame une réforme judiciaire immédiate, tandis que le ministre des Communications, Shlomo Karhi, suggère que l’exécutif n’est pas tenu de se soumettre à ce jugement.
Le ministre des Affaires de la diaspora, Amichai Chikli, a quant à lui remis en question l’état même de la démocratie israélienne, dénonçant une décision qui, selon lui, dépouille les ministres de leur autorité. Ces propos incendiaires remettent en cause l’indépendance judiciaire et risquent de saper la confiance des citoyens dans les institutions.
Le fait que le Shin Bet, organisation habituellement discrète, se retrouve au cœur d’un débat public aussi houleux est lui-même révélateur d’une dérive préoccupante. Comme l’écrivait le journaliste Herb Keinon, voir les chefs des services de sécurité à la une des journaux est un signal d’alarme qu’Israël ne peut se permettre d’ignorer.
La voie du compromis
Dans ce contexte, plusieurs voix appellent au calme et à la responsabilité. Un compromis raisonnable est envisageable : permettre à Bar de terminer son mandat comme prévu, en mai, tout en poursuivant les enquêtes nécessaires. Une solution qui préserverait la stabilité du gouvernement, l’intégrité des institutions judiciaires, et éviterait d’alimenter davantage les tensions internes.
Dans une période où Israël doit affronter des menaces extérieures multiples – des roquettes du Hamas aux ambitions régionales de l’Iran et du Hezbollah – cette crise interne tombe au pire moment. La diplomatie israélienne, déjà fragile face aux exigences américaines et aux négociations délicates avec le Qatar, ne peut se permettre un effondrement de son propre système démocratique.
Le compromis ne devrait pas être vu comme une faiblesse, mais comme un acte de maturité politique. La décision de la Haute Cour n’écarte pas l’autorité du gouvernement ; elle en appelle à une pause salutaire dans un climat de crispation dangereuse. Il appartient désormais à Netanyahou de prendre la voie de l’apaisement plutôt que celle de la confrontation.
Israël a toujours été une démocratie robuste, même sous pression. Maintenir cette tradition aujourd’hui exige des choix réfléchis, loin de la tentation du bras de fer politique.
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