Qui est la juge qui a condamné M. Le Pen ?

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Bénédicte de Perthuis, une magistrate emblématique du système.

Qui est Bénédicte de Perthuis, cette juge qui a eu le pouvoir exorbitant de chambouler le résultat la prochaine élection présidentielle ?

PORTRAIT – La magistrate au profil de marbre a été prise pour cible sur les réseaux sociaux après le verdict prononcé à l’encontre de la chef de file du Rassemblement national. Elle vit désormais sous protection policière.

Les magistrats économiques et financiers ne s’attendaient sans doute pas à être menacés au même titre que ceux qui traitent de criminalité organisée ou de terrorisme. C’est chose faite avec l’affaire des attachés parlementaires du Rassemblement national. En novembre dernier, les deux parquetiers du procès avaient subi, après leurs réquisitions, des menaces de mort et s’étaient vu attribuer des protections physique et fonctionnelle tandis que le parquet de Paris ouvrait une enquête.

C’est aujourd’hui aux trois juges du siège d’être pris pour cibles. Depuis lundi, les invectives se multiplient sur les réseaux sociaux à l’encontre de Bénédicte de Perthuis, présidente de la 11e chambre correctionnelle qui a signé le jugement qui fait vaciller le monde politique. Pour découvrir l’historique de sa carrière, son visage ou son adresse, il suffit de taper son nom dans le moteur de recherche du réseau X. Et si l’on n’en est pas encore au stade des menaces de mort, les innombrables commentaires à son sujet sont autant de formes de pression agressive.

Dès 13 heures lundi, le bureau de la direction des services judiciaires (DSJ) s’empressait « d’identifier les risques et de demander une évaluation de la menace » en prenant « attache auprès du ministère de l’Intérieur pour que les abords de son domicile soient protégés », sait-on de bonne source. La DSJ, elle, se tenait prête à activer « la protection fonctionnelle ». Mardi, à la suite de ces menaces, une enquête a été confiée à la brigade de répression de la délinquance aux personnes (BRDP).

L’affaire est assez sérieuse pour que le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, juge ces menaces « inacceptables dans une démocratie ». Le procureur général et le premier président de la Cour de cassation ont usé des médias pour « défendre l’État de droit » tandis que la première présidente de la cour d’appel de Paris s’est également émue de la situation. De son côté, l’Union syndicale des magistrats (USM) « a créé une veille des réseaux sociaux » et a déjà « adressé un signalement à la plateforme Pharos, qui collecte les contenus numériques illicites », explique Alexandra Vaillant, sa secrétaire générale.

En charge de dossiers d’une complexité extrême

Qualifiée dans nombre de commentaires de « juge rouge », Bénédicte de Perthuis, 63 ans dont 25 passés dans la magistrature, se voit aussi associée au « syndicat de la magistrature », véritable organisation repoussoir pour beaucoup d’observateurs depuis le traumatisme du « mur des cons » en 2012 qui a entamé pour toujours la confiance dans la justice. On prête par ailleurs à la magistrate une folle admiration pour la juge Eva Joly, première juge « éco-fi » des années 1990 et fortement politisée.

Il lui est simultanément reproché d’être une ancienne du cabinet de consulting américain Ernst & Young. Ce qui est vrai puisque la formation initiale de Bénédicte de Perthuis est celle d’expert-comptable et de commissaire aux comptes. « Un profil comme ça, forcément, on ne le laisse pas passer dans un tribunal », souligne un haut magistrat qui rappelle combien « la filière économique et financière est sinistrée » et combien « il est compliqué de trouver des magistrats compétents pour suivre » une matière réputée âpre, technique, exigeant un travail de moine soldat. Avant de se retrouver à traiter d’affaires politico-financières, cette magistrate, qui n’entra dans le corps qu’à 37 ans passés, fut en charge de dossiers d’une complexité extrême : celui d’EADS et l’affaire Wendel.

Accusée d’être à la fois juge rouge et supplétive du grand capital, on ne connaît pourtant à Bénédicte de Perthuis aucun engagement politique ou syndical. Elle serait créditée – comme une grande majorité des magistrats – d’une inclination pour le centre de l’échiquier politique. Cela ne l’a pas empêchée d’être la juge d’instruction qui renvoya sans hésitation le MoDem et François Bayrou sur le banc des accusés.

Pour elle, l’affaire des attachés parlementaires européens du parti centriste ne faisait aucun doute. Comme pour le Rassemblement national, elle a toujours estimé que ce parti politique avait mis en place un système de détournement de fonds de grande ampleur piloté par son président lui-même. De la même façon, ses deux assesseurs ne sont pas connus pour leur engagement à gauche. Selon certaines sources, c’est même le contraire.

Tenir compte de la présidentielle

Ceux qui ont côtoyé Bénédicte de Perthuis lui prêtent un profil de marbre que peu de chose atteint. Cela a été le cas pour l’affaire Olivier Dussopt, poursuivi pour favoritisme, en janvier 2024. Persuadée de sa culpabilité à la lecture du dossier, elle aurait finalement été convaincue du contraire à l’audience, bâchant le parquet par une relaxe.

Pour autant, la décision de justice de ce lundi 31 mars, qui vaut à la France bien des leçons de démocratie, doit être interrogée. En vérité, Bénédicte de Perthuis et les deux juges assesseurs – car il ne faut pas nier la collégialité de la cour – n’ont fait qu’appliquer la jurisprudence constante de la 11e chambre correctionnelle, sans prendre en compte l’incompréhension qu’elle pourrait susciter par l’exécution provisoire. Se pose donc la question de savoir si le double enjeu d’une décision de justice n’est pas de faire du droit, tout en étant comprise de tous.

Pour éteindre le feu allumé par les magistrats, l’institution judiciaire sera sans doute obligée de rompre l’égalité des citoyens devant la loi. À l’Assemblée nationale, Gérald Darmanin a demandé que l’appel intervienne dans « des délais raisonnables ». Ce qui signifie au plus vite, pour tenir compte de la présidentielle 2027. Ce procès pourrait donc se conclure avant même celui du MoDem. De quoi perturber encore davantage François Bayrou qui s’est dit « troublé »  par l’énoncé du jugement choc ?

Bénédicte Giraud, née en 1962, est l’épouse de Pierre Perthuis de Laillevault, né en 1957. Celui-ci a été publiciste puis homme de marketing avant de créer, de gérer ou de diriger plusieurs entreprises. Il est le cofondateur en 2017 de BGEBox, SAS au capital de 392 000 €, aux activités assez floues (supports juridiques de programmes, autres auxiliaires financiers), dont il a été le premier président pendant un an jusqu’en septembre 2018. La société a été mise en liquidation puis radiée en octobre 2019.

En 2017, il est gérant de la société civile créée le 17 juin 2016, Golden Glaouis (en bon français « Couilles en or ») au capital de 250 000 €, qui a une vocation de holding. Associée à la gérance figure son épouse Bénédicte. Par la suite, le capital de la société est porté à 1 244 233 € alors que son siège se déplace dans plusieurs arrondissements de Paris. Le 23 mars 2025, la société change de nom et se nomme désormais Chassezac. Son siège est fixé au 5 rue du Renard dans le 4e arrondissement.

Et le 28 mars – quatre jours avant le verdict du procès de Marine Le Pen – Bénédicte Giraud-de Perthuis n’est plus associée à la gérance. À noter que dans les informations publiées sur les sociétés des époux Perthuis, les noms sont désormais anonymisés (leurs entreprises ont exercé leur droit d’opposition auprès de l’INSEE, les données les concernant ne peuvent donc pas être diffusées publiquement) et les comptes sont absents.

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