Barbara Lefebvre : «Quand l’antisémitisme n’est plus à l’extrême droite, le monde d’idées toutes faites de la gauche s’effondre»
Par Barbara Lefebvre
L’invitation de Jordan Bardella et Marion Maréchal en Israël pour participer à une conférence à Jérusalem, le 27 mars, marque la fin d’un monde pour une gauche paresseuse qui s’est servie du Rassemblement national pour arrêter de penser, estime l’enseignante et essayiste*.
Pendant huit décennies, universitaires, médias, politiques ont vécu dans le confort d’une vision hémiplégique sur l’antisémitisme. L’extrême droite, seule, portait l’antisémitisme et le négationnisme, les saillies de Jean-Marie Le Pen devinrent le carburant du « rempart contre la bête immonde ». On préférait oublier les ponts entre l’extrême droite et les réseaux du nationalisme arabe, par exemple. Sans remonter à l’alliance active de Hitler et du grand mufti de Jérusalem al-Husseini, on rappellera le rôle déterminant du banquier suisse nazi François Genoud aux côtés du FLN et de Me Vergès pour le financement de la défense des terroristes palestiniens du FPLP ou de l’OLP.
Dans les années 2000, on préférait ignorer les ponts bâtis entre extrême droite et gauche par les réseaux d’Alain Soral, par les spectacles de Dieudonné unissant les fines fleurs de l’antisémitisme fasciste, négationniste, islamiste et gauchiste. Le même rire entendu pendant le sketch de Blanche Gardin et Aymeric Lompret ironisant sur le fait d’être traités d’antisémites depuis le 7 Octobre, alors qu’ils sont « de gauche », donc le camp du Bien, celui de l’antisionisme.
Sous couvert de lutte antifasciste, l’extrême gauche a toujours alimenté l’antisémitisme via un antisionisme atavique. Elle a accompagné dès les années 2000 la résurgence de l’antijudaïsme islamique orchestrée par les réseaux fréristes. Cela a coagulé en un mouvement politique déterminé à gouverner: La France insoumise. Depuis le 7 Octobre, le marqueur de cette alliance islamogauchiste est l’obsession antijuive, qu’il s’agisse d’Israël, de personnalités ou d’institutions juives complices par nature du « racisme » et du « fascisme », mots-fourre-tout qualifiant par défaut ce qui n’est pas gauchiste, islamiste et intersectionnel. Les antifascistes intersectionnels réclament l’extermination de l’État d’Israël en revendiquant une Palestine « du Jourdain à la mer ». Les adeptes du nettoyage ethnique, ce sont eux.
Parce que la France possède la plus nombreuse communauté juive d’Europe (0,7 % de la population française !), une extrême gauche historique bénéficiant d’un totem d’immunité inégalé dans le monde occidental et, depuis trente ans, une communauté musulmane massive (entre 6 et 8 millions en France), ce qui se joue chez nous est central.
Depuis les années 2000, dans le sillage du frérisme djihadiste, le retour de la haine antijuive est documenté: des Français juifs sont morts, dont trois enfants assassinés à bout portant, tous exécutés par des islamistes.
Aucune démocratie occidentale n’a connu un tel phénomène. Après le pogrom du 7 Octobre commis par le Hamas, le Djihad islamique et soutenu par des civils palestiniens, les Juifs ne connurent aucun répit.
Aucune marque d’empathie ne fut assez puissante pour contrer l’explosion antijuive qui a secoué l’Occident. Le délire verbal haineux déversé contre Israël avant même qu’une seule bombe ne tombe sur Gaza a permis de voir où se situaient désormais les antisémites.
Si la majorité des Juifs de France l’avait compris depuis longtemps, la doxa médiatique, le monde politique et la bien-pensance universitaire semblent encore perdus. On les entend presque : « Où est passé notre vieil ennemi, l’extrême droite ? Où est passé cet antisémitisme à la Drumont, celui du “plus jamais ça” et de la manif de Carpentras ? Comment reconnaître que le courage et la lucidité d’une fille aient pu effacer les paroles haineuses et négationnistes du père ? »
Perdre un ami, c’est difficile, mais perdre son ennemi, c’est la mort de votre combat de toujours, c’est l’arrachement aux racines de votre identité politique et intellectuelle.
Perdre l’ami Mélenchon, c’est difficile, mais à gauche on en trouvera d’autres ; perdre l’ennemi Le Pen, c’est la fin de leur monde. Si l’antisémitisme n’a plus sa place au sein du RN, si le négationnisme et l’antisionisme n’animent plus les esprits de ses leaders, si de plus en plus de Français juifs considèrent le RN comme un rempart, si Jordan Bardella et Marion Maréchal sont invités en Israël pour parler de lutte contre l’antisémitisme, c’est un monde d’idées toutes faites qui s’effondre pour les « faiseurs d’opinion ».
Ceux qui ont vécu, dans leur chair et dans leur âme, l’antisémitisme savent le reconnaître. Ceux qui ont combattu les antisémites, les ont traqués, les ont fait condamner par la justice, savent les reconnaître.
L’antisémitisme a une incarnation politique aujourd’hui en France. Il est dans l’affiche appelant à la manifestation du 22 mars où Cyril Hanouna, tel le Juif Süss, « relaie les idées de l’extrême droite », il est dans les formules pro-terroristes sans ambiguïté de Rima Hassan, dans les arguments alambiqués de Mathilde Panot ou de Manuel Bompard, dans les tweets obsessionnels d’Aymeric Caron, dans les fatwas numériques coordonnées par Thomas Portes et David Guiraud, dans les réunions avec le CCIE du fiché S Raphaël Arnault, dans les inepties de l’antifasciste Sébastien Delogu, qui ne connaît même pas Pétain, dans le rire stupide d’Ersilia Soudais se moquant du 7 Octobre, il est, enfin, dans l’« antisémitisme résiduel » et le « peuple juif déicide » du Guide suprême, Jean-Luc Mélenchon.
LFI est l’incarnation de l’antisémitisme en France, ses électeurs ne peuvent plus l’ignorer. LFI est le parti de l’islamisme, ses électeurs ne peuvent plus l’ignorer. C’est l’immense majorité des Juifs de France qui vous le disent, ils sont les mieux placés pour le savoir, pour reconnaître « la bête immonde ».
Il faut pourtant laisser LFI s’exprimer, s’enferrer. Car seule la démocratie permet de lutter profondément contre la haine, même si nos efforts paraissent vains et la justice trop lente. Plus que jamais, laissons les urnes parler, pour que la France se regarde en face. Si la France laisse monter l’islamogauchisme, la plupart des Français juifs seront tristes pour ce pays qui fut le leur, tristes pour les amis qu’ils laisseront derrière eux, mais ne leur demandez plus de se battre contre « la bête immonde » puisque une partie de leurs concitoyens n’auront pas eu le courage de partager ce combat. Le combat pour la démocratie et la liberté.
Barbara Lefebvre, Le Figaro, le 18 mars 2025. * * Enseignante et essayiste, auteur de « Génération “J’ai le droit” » (Albin Michel, 2018).
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