Ce vendredi, l’agence de notation Fitch fera connaître sa note pour la France. Jadis grande messe redoutée et objet d’autoflagellation dans le ministère, Bercy devrait cette fois recevoir ce nouveau bulletin sur la santé économique du pays dans une relative indifférence. Voire laisser en « Vu et s’en tape », même en cas de note dégradée.
Il y a encore quelques mois, une mauvaise note pouvait être synonyme de taux d’intérêt encore plus hauts, d’une crise de la dette encore plus grave et d’une économie encore plus moribonde. Un cercle vicieux infernal, qui faisait jusqu’à craindre un scénario à la grec, traumatisme de toute l’Europe.
Une petite guerre potentielle à préparer
Mais aujourd’hui, les déboires helvètes semblent bien superflus face au spectre d’un nouveau conflit majeur qui flotte sur le continent. « C’est vrai que la note tombe un peu comme un cheveu sur la soupe », sourit Anne-Sophie Alsif, cheffe économique du Bureau d’informations et de prévisions économiques (BIPE). Un contexte guerrier que doivent prendre en compte les agences de notation. « Historiquement, elles sanctionnent peu les dépenses liées à l’investissement, encore moins dans un contexte militaire », poursuit l’experte.
Fitch et compagnie ont tout intérêt à être cléments dans un tel climat, confirme Stéphanie Villers, conseillère économique PwC : « Les agences sont bien au courant de ce qui se passe. Ce nouveau contexte implique des nouveaux comportements budgétaires, sur lequel les marchés sont très accueillants ».
Une note anachronique et datée d’avance
Cela sera toutefois un peu court pour cette note, qui résulte d’un travail fastidieux de plusieurs mois et qui a donc été préparée avant les rebondissements des derniers mois, avertit Anne-Sophie Alsif. Une note anachronique, et donc d’autant plus inutile aux yeux de Bercy. Mais comme lors de vos bulletins scolaires, « c’est l’évaluation qui comptera plus que la note même », précise l’experte.
Le réarmement du Vieux continent amène à revoir toute une philosophie économique qui semblait pourtant inscrite dans le marbre bruxellois. Même le sacro-saint 3 % de déficit à ne pas dépasser, en vigueur depuis le traité de Maastricht en 1992, vient d’obtenir une petite exception. Ainsi, les dépenses militaires supplémentaires ne seront pas prises en compte par la Commission européenne pour calculer – et éventuellement sanctionner – ce déficit. Autre mouvement tectonique majeur de la zone Euro, l’Allemagne, le pays le plus influent sur la rigueur budgétaire, réfléchit à un plan national d’investissement de 500 milliards d’euros, notamment pour se doter d’une armée dans les standards de l’Otan. 188 milliards seraient nécessaires à cette seule tâche.
La France et l’habitude de s’en foutre
La Commission européenne a quant à elle présenté un plan de relance de l’industrie communautaire de la défense d’environ 800 milliards d’euros. Des changements philosophiques et économiques majeurs, « bien plus à même de toucher la France que l’agence de notation », estime Christophe Blot, économiste à l’OFCE et spécialiste des crises financières. En ce qui concerne la note, cette dernière pourrait également varier dans ce nouveau contexte. « Si par exemple la France utilise une hausse d’impôts ou une réduction de sa dépense publique pour financer son armée, sa situation sera même meilleure que d’autres pays augmentant leur dette ».
Et de toute manière… Aussi redoutables étaient-elles présentées, les notes n’ont jamais empêché le pays de plonger jusqu’à 6 % de déficit, deux fois supérieur à la norme européenne. « Preuve que leurs décisions n’ont jamais trop compté, qu’importe le contexte », poursuit Christophe Blot. Autant dire que vendredi, la France sera plus soucieuse des nouvelles déclarations de Donald Trump, Vladimir Poutine et autres Elon Musk que de sa note économique. Sans rancune Fitch.
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