Dans les universités françaises, un antisémitisme post-7 octobre qui continue d’inquiéter
Dans l’enseignement supérieur, le ministre Philippe Baptiste a fait état en janvier de « 360 signalements » d’incidents liés au conflit israélo-palestinien depuis l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023
« J’ai eu peur d’aller en cours à certains moments », raconte Nicole Milman à Strasbourg. Comme elle, des étudiants juifs témoignent d’un climat pesant qui perdure depuis le 7 octobre 2023. Le gouvernement relance jeudi des Assises de lutte contre de l’antisémitisme largement consacrées à la jeunesse. Sur le campus alsacien, « les personnes juives ne portent plus ouvertement leur étoile de David », témoigne cette étudiante en langues et secrétaire générale de l’UEJF (Union des étudiants juifs de France) de Strasbourg. Elle indique avoir été traitée de « sale juive » alors qu’elle portait un pin’s pour la libération des otages de Gaza.
Les propos antisémites « n’ont pas leur place à l’université », a souligné mardi le président de cette université Michel Deneken, qui a saisi le parquet après la diffusion sur les réseaux d’images évoquant un « jeu de cartes » au contenu antisémite. À Paris 1 Panthéon Sorbonne, « toutes les semaines, on nous signale des tags, allant de la croix gammée à […] Tous les juifs devraient mourir », ou des actes ou propos antisémites, rapporte Daphné Hubelé, vice-présidente de l’UEJF dans cette université. « On retrouve beaucoup d’appels à la violence » lors des blocus pro palestiniens, comme en décembre sur le campus de Tolbiac, dit-elle.
« Hostilité franche »
« Il y a des étudiants juifs qui ne vont plus en cours. Certains arrivent cinq minutes en retard et repartent cinq minutes avant la fin », ajoute-t-elle. L’université Paris 1 indique avoir « toujours été intraitable avec les faits d’antisémitisme », soulignant saisir le parquet et « engager des poursuites disciplinaires si le responsable peut être identifié ». En France, les actes antisémites recensés sont restés à un niveau « historique » en 2024, selon le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) : 1 570, contre 1 676 en 2023.
En 2023, le nombre de faits antisémites recensés dans le pays avait été multiplié par quatre sur un an, avec 1 676 cas. Un nombre qui devrait être similaire pour l’année 2024, selon la ministre de la lutte contre les discriminations Aurore Bergé
Dans l’enseignement supérieur, le ministre Philippe Baptiste a fait état en janvier de « 360 signalements » d’incidents liés au conflit israélo-palestinien depuis l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023, dont « une cinquantaine » identifiés comme antisémites, essentiellement des tags. Il a appelé à « une grande fermeté ». À l’université, « s’est développée une hostilité antijuifs » qui « prend différentes formes », selon la sociologue Valérie Broussard, qui a travaillé sur le sujet à Nanterre.
Elle distingue une « hostilité franche », « très clairement antisémite » et une hostilité « déplacée » quand elle concerne « plutôt l’État d’Israël ». Elle peut aussi être « sourde », avec des « exclusions de boucles WhatsApp, de groupes d’amis », ou plus « ordinaire, sous la forme de petits messages » relayant des « clichés ». Combattre l’antisémitisme à l’université est un « chantier prioritaire » pour Aurore Bergé, ministre chargée des discriminations, qui va rouvrir les Assises sur ce sujet – en suspens depuis mai – jeudi, jour anniversaire de la mort d’Ilan Halimi, jeune Juif tué en 2006.
« Tolérance zéro »
Une proposition de loi pour « renforcer le cadre légal et réglementaire » contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur est examinée mercredi par la commission de l’éducation au Sénat, après une mission sénatoriale qui s’était alarmée en juin d’une « résurgence » d’un « climat d’antisémitisme » dans les universités. Les présidents d’université, réunis au sein de France Universités, prônent « une tolérance zéro », affirmant « n’avoir jamais eu la main qui tremble en matière de procédures disciplinaires ».
« Nous sommes tout à fait disposés à faire en sorte que la formation sur l’antisémitisme puisse continuer à se développer dans nos universités », a souligné mardi son vice-président Jean-François Huchet, président de l’Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales). Dans son établissement, des tensions sont aussi apparues en décembre, lors des élections étudiantes, où une liste propalestienne a gagné plusieurs sièges. « L’ambiance est très pesante » pour les étudiants du département d’études hébraïques et juives, raconte Elina, qui y étudie.
« Je me suis fait suivre parce que je n’ai pas voulu prendre un tract » et « on m’a traitée de terroriste », poursuit-elle, évoquant aussi des tags et tracts placardés sur des salles de cours. La présidence de l’Inalco a demandé en décembre « un diagnostic indépendant sur la situation » à un conseiller extérieur. Secouée au printemps dernier par des accusations d’antisémitisme lors de l’occupation d’un amphithéâtre, Sciences Po Paris a annoncé en septembre le « renforcement » de « ses dispositifs de lutte contre les discriminations », dont l’antisémitisme, avec « un module obligatoire » pour les étudiants.
JForum.fr avec SudOuest.fr (AFP)
Les propos antisémites « n’ont pas leur place à l’université », a souligné mardi le président d’un établissement. © Crédit photo : Archives illustration XAVIER LEOTY
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