Cessez-le-feu à Gaza : Israël « n’abandonne pas les siens, encore moins les civils », assure un soldat réserviste

Vues:

Date:

Ce vendredi, le cabinet de sécurité israélien doit approuver l’accord de trêve à Gaza. Ce cessez-le-feu, annoncé mercredi, doit entrer en vigueur ce dimanche. S’il reste fragile – Tel-Aviv poursuit jusqu’ici ses bombardements sur le territoire palestinien –, il n’en est pas moins historique et pourrait mettre fin à plus de 15 mois de guerre qui ont fait 1.210 morts côté israélien et près de 46.800 dans la bande de Gaza.

Cette trêve doit permettre la libération de 33 otages, dont les franco-israéliens Ofer Kalderon et Ohad Yahalomi. A cette occasion, nous avons discuté avec Noam*, un réserviste de l’armée israélienne. Le jeune homme de 24 ans a fait son service militaire de 2018 à 2021 et s’est enrôlé dans l’armée après les attaques sanglantes du Hamas le 7 octobre 2023.

Qu’est-ce que vous pensez de la trêve ?

(Il hésite) Je ne sais pas si je suis suffisamment qualifié pour parler d’un sujet si important. Personnellement, la seule chose qui m’importe, ce sont les otages. Ces civils, ces jeunes, ces bébés kidnappés depuis leur lit n’ont rien fait de mal, si ce n’est vivre en Israël. Je ne peux pas dire si, politiquement, c’est un bon deal, mais rien n’a plus d’importance que leurs vies à mes yeux.

En quoi consiste le fait d’être réserviste ?

En Israël, il y a un service militaire obligatoire de trois ans. En réalité, obligatoire est un grand mot, car de nombreuses personnes trouvent des excuses pour éviter de le faire. Pour moi, c’était le moment de rendre quelque chose à mon pays. Je crois au combat pour l’existence d’Israël, c’était important à mes yeux. Durant ces années, nous avons protégé la frontière qui sépare Israël et Gaza mais aussi celle du nord [avec le Liban]. Ce n’était pas encore la guerre mais nous avons vécu des situations tendues, notamment lorsque nous avons reçu de nombreux missiles et que la question d’une offensive s’est posée.

Comment avez-vous appris les événements du 7 octobre 2023 ?

J’étais en voyage au Pérou avec mon grand-père de 82 ans. Il m’a réveillé au milieu de la nuit pour me dire : « Il y a une guerre en Israël. » J’ai répondu « Papy, tu mens » avant de me rendormir. Il a dû me réveiller de nouveau trois heures plus tard. On a regardé les informations mais c’était invraisemblable, je n’arrivais pas à y croire. En Israël, il y a des missiles, parfois des attaques terroristes. Le danger existe, c’est vrai. Mais jusque-là, on se disait qu’il fallait être vraiment malchanceux. Que, dans l’ensemble, nous étions en sécurité dans notre pays. Ce sentiment de sécurité nous a été arraché ce jour-là.

Le lendemain matin, au petit déjeuner de l’hôtel, j’ai vu que le nom de mon amie Gili Adar circulait. (Pause) Elle a été assassinée au festival Nova. C’était une jeune femme de 24 ans, blonde, tellement souriante, tellement lumineuse. C’est si difficile de se dire : mon amie a été abattue… (Court silence) Le 7 octobre a été un choc pour tous ceux que je connais. Pour tout Israël.

C’est là que vous avez décidé de vous enrôler ?

Oui, j’ai acheté un billet le soir même. Mes parents ont essayé de me convaincre de rester au Pérou. Ils m’ont dit que je n’allais pas revenir, que j’allais mourir, que d’autres pouvaient s’en occuper. Ils espéraient que je reste en sécurité, à l’étranger. Ça aurait été facile, mais ce n’était pas une option pour moi. Je voulais protéger mon pays, me battre pour la sécurité de mes parents, de ma famille, de mes amis, de mes camarades de l’armée.

« Nous avions vraiment peur que le 7 octobre signe la fin d’Israël. C’est une sensation que je n’avais jamais connu, mes parents non plus. »

J’ai atterri le 9 octobre au soir en Israël et quelques heures plus tard, le matin du 10 octobre, j’étais déjà dans les kibboutz près de la frontière de Gaza. Nous avons été attaqués le jour même. Le 11 octobre, trois gars de mon unité [Itay Moreno, Daniel Kastiel et Ido Kaslasi] ont été tués près du kibboutz de Zikim. J’ai servi cinq mois, les deux premières semaines près de la frontière de Gaza puis nous avons protégé la frontière avec le Liban.

Est-ce que vous avez eu peur ?

Tu ressens évidemment la peur. Tu te sens en danger en permanence. Mais quand tu es dans l’armée, tu dois être concentré sur ce que tu fais. Tu penses à faire ton travail correctement, à arranger ton équipement, à suivre les indications de ton chef… En s’en tenant à de petites missions concrètes, tu évites de penser à ce qu’il se passerait si tu mourais.

Qu’avez-vous fait après ces cinq mois de service ?

J’étais en voyage lorsque le 7 octobre est survenu. J’ai voulu reprendre ma vie. Je suis donc retourné en Amérique du Sud, notamment au Brésil. Je me suis dit qu’après cette période horrible de ma vie, j’avais le droit de me détendre, de profiter de la vie. Mais je savais que ma mission n’était pas terminée. Je me suis promis que s’ils avaient de nouveau besoin de moi, je répondrai présent. En attendant, je ne me suis pas engagé dans quoi que ce soit, j’ai mis ma vie en pause. C’était une parenthèse.

Et vous avez de nouveau répondu présent ?

Oui. Début octobre 2024, mon unité a été rappelée lorsque le front contre le Hezbollah s’est ouvert au nord. Nous avons été envoyés au Liban pour s’assurer que le Hezbollah ne pourrait pas nous attaquer de la même façon que le Hamas l’avait fait. (soupir) C’était une décision difficile, je me suis posé beaucoup de questions.

Je venais enfin de me poser aux Etats-Unis après avoir voyagé pendant des mois, j’espérais avoir de nouveau une routine, un travail. Je n’avais pas envie de me battre. Et puis, ce n’était pas une menace immédiate, contrairement à mon premier service. Mais, quelque part, j’avais déjà réglé cette question lorsque je m’étais promis de répondre à nouveau présent s’ils me rappelaient. J’ai donc tenu la promesse que je m’étais faite à moi-même.

Tous nos articles sur la guerre au Proche-Orient

Comprenez-vous les critiques à l’encontre d’Israël ?

Bien sûr. J’ai moi-même des critiques sur Israël, sur la guerre et j’en ai depuis que je suis né ou presque. Ces critiques sont logiques et même importantes. Mais ne soyez pas trop rapide dans votre jugement, essayez de comprendre les deux points de vue. Certains Occidentaux, qui ne savent ce que c’est d’être menacé, de voir sa survie remise en question, parlent beaucoup alors qu’ils n’y comprennent pas grand-chose.

Qu’espérez-vous, à présent ?

J’aimerais que tous les otages reviennent en bonne santé et se reconstruisent. En Israël, nous n’abandonnons pas les nôtres, encore moins les civils. Nous avons même un dicton qui dit que chaque mère israélienne qui envoie son fils au combat sait qu’il reviendra en vie et en bonne santé. En 2011, Israël a libéré 1.000 prisonniers pour récupérer un otage [Gilad Shalit] qui était retenu captif depuis cinq ans ! Dans l’idéal, les otages rentrent et ce conflit cesse. La guerre est quelque chose d’ignoble pour tout le monde. J’aspire à la paix et je crois qu’elle est atteignable. J’aimerais que tout le monde retrouve une vie normale : les Israéliens mais aussi les Gazaouis. Je ne leur souhaite aucun mal. Ils ont droit à une bonne vie, tout comme nous.

*Le prénom a été changé

La source de cet article se trouve sur ce site

Article précédent

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

PARTAGER:

spot_imgspot_img