La vie de Sarah inspire ses descendants (vidéo)
Cette paracha fait partie de celles qui relatent la fin d’un parcours humain et le commencement d’un autre, en l’occurrence la mort de Sarah et ce qui s’ensuit, puis la rencontre conjugale de son fils Itsh’ak et de Rivka, l’épouse que son père a envoyé quérir en des terres lointaines.
Sarah donc rend l’âme après une vie bien remplie où les épreuves n’ont pas manqué, en particulier sa stérilité, son enlèvement par les rabatteurs de Pharaon, ses démêlées avec Hagar, sa servante égyptienne.
Pour le Midrach, sa fin a été hâtée par l’annonce, précipitée, que son fils, son unique, son aimé, avait été sacrifié par Abraham au nom d’un Dieu qui en avait pourtant décidé la naissance.
Premier enseignement: après la mort de son épouse, Abraham s’emploie à trouver une sépulture digne d’elle afin que son souvenir se perpétue.
C’est cette leçon qu’il faut en priorité retenir, au delà des péripéties de l’acquisition à fort prix d’argent de la caverne de Makhpéla dont Êphron le Hittite était le propriétaire légal à ce moment.
Tout être humain est mortel. Cependant la mort, on l’a vu avec Moïse, ne signifie pas le néant.
Un être humain se survit avant tout dans et par le souvenir des siens, à condition que ce souvenir soit, comme l’on dit, entretenu.
Cette obligation est celle-là même qui caractérise la condition humaine. Un animal ne se survit pas dans le corps ni dans le mental de ses petits.
Il faut que la vie de Saraï, devenue Sarah, fasse école auprès de ses descendants, qu’ils s’interrogent sur ce qui s’est accompli de cette vie au regard d’un projet qui sans doute la dépassait, et ensuite ce qu’il reste à en accomplir et qui sera relayé, en cas de besoin, de génération en génération.
Les caractéristiques du lieu choisi par Abraham correspondent à l’ampleur de ce projet tel qu’il avait été formulé par le Créateur: le Lekh lekha initialement enjoint à Abram a changé d’échelle une fois que Saraï a eu pris part à sa réalisation.
Il est devenu un Lekhou lakhem, un «Allez pour vous, vers vous» qui se transmettra de génération en génération jusqu’au peuple d’Israël, lorsque tous ses «enfants» proclameront à leur tour au Sinaï: «Nous ferons et nous écouterons».
Au pluriel «Makhpéla» est un nom construit sur la racine CPhL qui désigne la dualité, la doublement. Indice que ce lieu là, pour des raisons que le Zohar explicite, reliait le Monde d’en-haut et le Monde d’en-bas; l’humanité ayant déjà vécu et celle appelée à la vie afin de réaliser le projet d’un relèvement de l’humanité des abaissements et des effondrement qui ternissait sur sa face le sceau divin.
C’est dans cette perspective, une fois ce lieu acquis dans des conditions qui rendent cette acquisition incontestable et opposable aux tiers, quels qu’ils soient, qu’Abraham se préoccupe du lien conjugal de son fils, surtout après l’épreuve de la Âkeda.
Il n’entend pas qu’Itsh’ak prenne femme en terre de Canaan, ce qui l’eût parfaitement désorienté spirituellement.
Selon le droit matrimonial en vigueur il mandate son intendant, son homme de confiance, Eliézer afin qu’il aille discerner la future femme de son fils dans son milieu familial d’origine, ce qui au passage confirme bien que le Lekh lekha initial ne doit pas s’entendre comme une irréversible rupture avec ce milieu natal.
Eliezer se met en chemin dans cette direction, à la fois géographique et spirituelle. Arrivé physiquement à destination, il adresse sa prière vers le Dieu d’Abraham qu’il favorise sa mission.
Auprès du puits ou les chameaux de son imposante caravane se sont groupés, il discerne une toute jeune femme dont il apprend le nom: Rivka, de la famille de Béthouel.
Sa conduite retient son attention: elle puise l’eau du puits pour en abreuver ces bêtes de somme et de trajet au long cours, de sorte à en apaiser la soif mais une à une, comme si chacun de ces animaux constituait un être singulier nécessitant des soins différencies et une attention propre.
Pour y satisfaire, il ne faut ni précipitation, ni impatience. Et Eliezer comprend que cette jeune femme est celle qui comblera le vœu d’Abraham parce qu’outre la sollicitude dont elle sait faire preuve vis à vis de ses bêtes, elle est animée par une profonde intelligence du temps qu’elle sait dispenser comme l’eau apaisante.
Bien sûr il faudra ensuite que Rivka ayant consenti à l’accompagner auprès d’Abraham, qu’Eliezer obtienne le consentement de sa parentèle qui sait en faire mesurer le prix, comme Êphron l’avait fait à propos du caveau de Makhpéla.
Cet accord obtenu, Rivka se met à son tour en route pour rejoindre les Abrahamides. Sa rencontre avec Itsh’ak sera comparable à celle des deux parties d’un symbole qui se réunissent pour que celui-ci irradie de toutes ses significations, telle une lampe perpétuelle.
Et c’est après et après seulement que son fils se sera marié avec cette femme porteuse du futur qu’Abraham lui même reprendra épouse, pour finir ses propres jours comme il les avait commencés: sans être à charge pour personne, ni pour les siens ni même pour l’Eternel, et il saura combler tous ses enfants de la part la plus ajustée à leur vie et à leur cheminement.
Pourtant le mot « épreuve » n’est pas près de disparaître du récit biblique puisque le couple formé par Itsh’ak et Rivka s’avère lui aussi stérile. Comment retrouver alors les voies de la fécondité, de la suite des générations sans laquelle aucune Histoire n’est concevable…
Raphaël Draï Zal
JForum.fr
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