«Cette fois-ci, c’est la bonne, j’arrête la clope pour de bon ». Cette résolution, nombreux sont les fumeurs et fumeuses à la prendre. Nombreux aussi sont ceux et celles qui reprennent la cigarette après avoir tenu quelques heures, quelques mois, voire plusieurs années. La force de l’habitude, le rituel, la gestuelle, le goût ou, souvent, le stress : à chacun sa raison de céder à l’envie de s’en griller une. Puis une autre.
Mais il ne faut pas s’avouer vaincu. Même après avoir arrêté et repris à de multiples reprises, il est toujours possible de parvenir à arrêter de fumer. A l’occasion du Mois sans tabac, 20 Minutes vous explique comment laisser la cigarette derrière soi.
Identifier les causes de la rechute
Arrêter définitivement de fumer, ce n’est malheureusement pas qu’une simple question de volonté. Se défaire définitivement de la cigarette après plusieurs tentatives quand on est accro n’est pas chose aisée. Alors, par quoi attaquer ce chantier quand on veut mettre toutes les chances de son côté ? Pas de recette miracle, mais des étapes qui aident à faire son cheminement.
« D’abord, il faut rappeler que la rechute, ce n’est pas grave, on apprend de ses rechutes, rassure le Pr Laurent Karila, psychiatre addictologue à l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif, auteur de Docteur : Addict ou pas ? (éd. Harper Collins) et du podcast Addiktion. Pour commencer, il faut analyser personnellement quels ont été les facteurs qui ont déclenché la rechute. Une personne qui avait réussi à arrêter de fumer peut replonger à l’annonce d’une mauvaise nouvelle – un décès, une séparation – ou encore à cause d’un pic de stress au travail. Il faut analyser à nouveau ce qui a déclenché la rechute ».
Céline, plus d’une vingtaine d’années de tabagisme et de nombreuses tentatives d’arrêt au compteur, a déjà passé cette étape : « J’avais déjà arrêté pendant un an, dans le cadre d’un projet de PMA, avant de reprendre au moment du confinement, qui a sonné la fermeture des cliniques de fertilité pour plusieurs mois. Après la crise sanitaire, je pensais tenir le bon bout : j’ai totalement arrêté de fumer pendant un an et demi, le temps de mener mon projet de grossesse et d’allaiter mon bébé, confie la maman quadra. Mais il y a quelques mois, ma mère a eu de graves soucis de santé, ce qui m’a généré un pic de stress ingérable, et j’ai repris. C’est mon schéma classique : dès qu’un événement émotionnellement difficile se produit, la cigarette apparaît comme une solution à mon stress, comme si en fumant une clope, je respirais enfin au milieu de mes soucis. Une belle ironie quand on connaît l’effet sur les poumons… L’autre souci, c’est que mon compagnon fume toujours, tout comme beaucoup de mes amis, et être entourée de fumeurs décuple la tentation, c’est dur ».
Se faire aider
Pour le Pr Karila, l’étape suivante, c’est de « réutiliser les stratégies qui ont permis à la personne d’arrêter la fois précédente ». Sauf que pour l’heure, Céline n’a pas prévu de lancer bébé numéro deux. « Il faut qu’elle évalue sa motivation à arrêter, conseille l’addictologue. Elle peut faire ce qu’on appelle une balance décisionnelle : un tableau dans lequel elle va peser les pour et les contre de l’arrêt du tabac, en listant pour les deux colonnes les éléments du plus important au moins important. Ensuite, il faut traiter son anxiété, par des techniques de relaxation, de méditation ou d’autohypnose ».
Au sommet de sa liste des « pour », Céline, qui ne fume jamais en présence de son bébé, « ne veu[t] pas que [s]a fille voit sa mère fumer et fume à son tour plus tard. Pour ça, difficile de dire : « fais ce que je dis mais pas ce que je fais ». Et puis, j’ai pris goût à la vie sans tabac, à ne plus sortir acheter des clopes à pas d’heure, à me sentir plus en forme, avec un meilleur souffle, un teint plus frais et une haleine plus fraîche aussi, rit-elle. Je veux retrouver cette légèreté ».
Mais là encore, la volonté peut avoir ses limites. Dans ce cas, « il ne faut pas hésiter à se faire aider par un professionnel, qui va proposer un traitement adapté, conseille le Pr Karila. On peut mettre en place un traitement de substitution nicotinique en fonction de sa consommation, cela aide vraiment à ne pas ressentir le manque de nicotine ». Des traitements à base de nicotine par patchs, gommes à mâcher ou encore par comprimés qui « augmentent les chances de réussir à arrêter de fumer de 50 à 70 % », abonde l’Assurance maladie.
Se créer de nouveaux rituels
Pour optimiser ses chances d’arrêter de fumer, « on peut aussi recourir à la vape, propose le Pr Karila. Ce n’est à ce jour pas une indication médicale, on sait que vapoter aide beaucoup de fumeurs à se détourner du tabac. En revanche, pas question de passer aux dispositifs de tabac chauffé qui, eux, sont nocifs pour la santé », insiste-t-il.
La cigarette électronique, c’est l’option pour laquelle a opté Vincent, 38 ans, qui n’arrivait pas à décrocher de son paquet de cigarettes. « C’était il y a six ans, et depuis, je n’ai jamais refumé de clopes, se félicite-t-il. Au fil du temps, j’ai réduit la teneur en nicotine de mon liquide, jusqu’à zéro. En revanche, aujourd’hui encore, je vapote toujours ».
Céline elle, a déjà essayé la vape, mais elle n’aime pas. « Et puis, c’est bête, mais quand je fume une cigarette, c’est trois minutes de temps pour moi, où je ne m’occupe de rien, où je ne pense à rien, ça me vide la tête et ça m’apaise », confie-t-elle. Dans ce cas, « il faut se trouver d’autres rituels calmants de trois minutes, des stratégies alternatives, répond le Pr Karila. C’est un petit travail comportemental. On peut lister les situations qui calment, qui reposent l’esprit ou qui gratifient. Cela dépend de chacun : on peut écouter une chanson qui donne la pêche ou passer un coup de fil à une amie ». Tout ce qui est susceptible d’apaiser et détourner l’attention de l’envie de fumer. Pour cela, « on peut aussi faire un exercice de respiration, je conseille beaucoup la cohérence cardiaque, et les retours des patients sont très positifs », poursuit l’addictologue.
Un conseil qui fait mouche chez Céline : « Je n’avais jamais vu les choses comme ça, mais l’idée de remplacer ma pause clope par un autre rituel, où je prends toujours trois minutes pour moi, mais pour m’apaiser tout en prenant soin de mon esprit et de mon corps me plaît beaucoup ». Pour l’heure, la jeune femme, qui a par le passé tenté sans succès l’hypnose et l’auriculothérapie, pense se « faire prescrire des patchs par le médecin, si c’est compatible avec l’allaitement », explique-t-elle, alors qu’elle n’allaite plus son bébé que le matin et le soir. « A ce jour, aucun élément inquiétant n’a été signalé chez les enfants allaités de mères sous substitution nicotinique, rassure le Pr Karila. Toutes les formes sont utilisables, y compris en association. Et avec les formes orales, on pourra minimiser l’exposition à la nicotine de l’enfant en prenant le substitut après la tétée et en attendant environ deux heures après la prise avant de le remettre au sein ».
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