Une vidéo postée sur X montre l’engin piquer sur sa cible, avant d’exploser à son contact. Les tout premiers « drones kamikaze », ou « drones suicides » français, sont désormais opérationnels, et vont être expérimentés « dans les prochaines semaines » sur le théâtre d’opérations en Ukraine.
Le ministre des Armées Sébastien Lecornu a annoncé il y a quelques jours « la réussite des tests du drone de Delair et KNDS » qui sera « confié à l’Ukraine et livré à nos forces dans les prochaines semaines », et s’est félicité que la France « possède désormais ses propres drones suicides, ou munitions téléopérées (MTO). »
Un coût unitaire de l’ordre de 20.000 euros
Lancé en avril 2022, ce projet a permis la rencontre de KNDS France, mastodonte de l’industrie de la défense, chargé de concevoir la munition, et de Delair, PME de 150 personnes basée à Labège près de Toulouse, qui s’occupe du « vecteur aérien. » Cela a débouché sur le programme Colibri, un drone d’une autonomie de 45 minutes qui peut parcourir une vingtaine de kilomètres (élongation) et emporter une charge militaire de 500 grammes. « Une centaine de drones vont être livrés début novembre à la France, qui va se charger de les acheminer aux Ukrainiens, explique Bastien Mancini, président de Delair. Nous sommes partis d’un drone UX-11, développé pour le civil, et nous l’avons détourné de son usage pour répondre aux besoins militaires spécifiques. » Son coût serait de l’ordre de 20.000 euros.
« La munition sur Colibri a vocation à neutraliser des cibles statiques et des véhicules légers en mouvement, par exemple un pick-up évoluant à 50 km/h sur une piste », détaille Gabriel Massoni, porte-parole de KNDS France. Le drone « est fait pour être déployé en quelques minutes par n’importe quel fantassin sur le champ de bataille, sans formation spécialisée », ajoute-t-il, et « son encombrement minimal permet de l’embarquer dans un sac ». Enfin, « il peut résister aux brouillages des canaux de communication, qu’on peut connaître notamment sur le champ de bataille en Ukraine ».
Déjà 150 drones d’observation livrés à l’Ukraine
Même s’il a pris quelques mois de retard, ce programme de drone suicide a été mis en œuvre en un peu plus de deux ans, « un délai exceptionnel », souligne-t-on chez KNDS France, après un appel d’offres lancé en avril 2022 par l’Agence de l’innovation de défense (AID) et la DGA (Direction générale de l’armement). « Une munition standard chez KNDS prend entre cinq et sept ans pour être développée, donc la rapidité d’exécution de ce projet est sans commune mesure avec ce qui se faisait jusqu’ici », insiste Gabriel Massoni.
« Tout le projet Colibri est un projet d’innovation pour répondre à la contrainte d’aller vite, pour cela il fallait changer des méthodes traditionnelles, confirme de son côté Bastien Mancini. Après avoir proposé notre projet, nous avons fourni un démonstrateur en moins d’un an, ce qui est très rapide puisque développer un drone nous prend d’ordinaire trois ans. Puis le ministre des Armées a annoncé en février dernier une commande pour les forces ukrainiennes. Il fallait donc passer en moins de six mois du prototype à un objet opérationnel pour aller au front. »
Notre dossier sur la guerre en Ukraine
Delair avait déjà livré à l’Ukraine 150 drones d’observation depuis plus d’un an, « qui sont utilisés au quotidien en conditions de guerre, certains se faisant tirer des missiles dessus, d’autres devant faire face à du brouillage GPS, tout cela nous a permis d’avoir du retour de terrain très précieux, dont nous avons tenu compte » pour ces drones kamikazes. « Mais il faut rester humble, car les choses évoluent très rapidement dans ce domaine. »
« Les drones sont désormais incontournables dans un champ de bataille »
L’année 2025 devrait voir les forces françaises s’équiper progressivement de cette arme. Le ministre des Armées a annoncé vouloir les doter de 2.000 MTO, même si la commande n’a pas encore été passée. « Nous savons en faire au moins 1.000 par an, mais s’il y a des commandes qui vont au-delà, nous saurons nous adapter », assure Bastien Mancini.
« Les drones sont désormais incontournables dans un champ de bataille », explique le ministre des Armées Sébastien Lecornu, dans son livre sorti à la rentrée, Vers la guerre ? (Ed. Plon). « C’est un élément qui différencie la guerre en Ukraine par rapport aux conflits précédents, poursuit-il. Or, trop peu de matériels sont véritablement en service dans nos forces armées. Une situation insatisfaisante et qui constitue un de nos plus grands échecs. C’est pourquoi nous avons remis en question la stratégie globale. »
Bientôt un drone pour percer le blindage des chars ?
Le drone doit aussi permettre de ne pas épuiser les stocks de missiles. « A l’heure où l’Iran fournit à la Russie ou aux Houthis des drones Shahed 136 d’une valeur de 20.000 dollars, poursuit Sébastien Lecornu dans son ouvrage, il paraît invraisemblable que nos défenses sol-air ou mer-air se concentrent essentiellement sur des tirs en riposte de missiles Aster à 3 millions d’euros pièce [le coût d’un Aster 15 est plutôt d’un million d’euros, et d’un Aster 30 de deux millions d’euros]. »
Un deuxième programme de drones kamikaze intitulé Larinae, est développé par ailleurs entre KNDS et la PME bordelaise EOS Technologie et son drone Veloce 330, pour sortir un engin avec une autonomie de 3 heures, une élongation de 80 km, et doté d’une charge militaire de 2,5 kg.
Un premier test a permis à ce drone de parcourir 50 kilomètres en 16 minutes à une vitesse de pointe de 400 km/h. Présenté comme l’équivalent d’un « mini Shahed 238 », un drone iranien, cette arme doit être capable de percer des blindages, notamment celui d’un char.
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