Un invité surprise qui ne fait pas l’unanimité ! En voyage d’État au Maroc depuis lundi pour acter la fin de la brouille entre Mohammed VI et Paris, Emmanuel Macron a débarqué à Rabat avec une délégation pléthorique de plus de 120 personnalités. Parmi les ministres, les chefs d’entreprise, les sportifs et les personnalités du monde de la culture, la présence presque inattendue de Yassine Belattar, dont le nom est apparu avec dix autres sur la seconde mouture de la liste de la délégation officielle annoncée par l’Elysée, fait couler beaucoup d’encre.
Si Yassine Belattar, vêtu en effet d’un pantalon de jogging, d’une paire de basket ainsi que d’une veste décontractée, semblait à l’aise pour serrer la pince du roi Mohamed VI, sa présence un peu trop remarquée suscite un certain embarras.
« Sa présence ne vaut en aucun cas adhésion à ses idées », esquive-t-on à l’Élysée, rapporte Le Figaro. À la suite de la diffusion d’images où l’humoriste franco marocain apparaît complice avec le Ministre des Armées et des Anciens combattants Sébastien Lecornu, son entourage explique : « Le ministre ne le connaît pas. Au regard de sa tenue d’ailleurs, il l’a pris pour un technicien. Belattar attendait le cortège et est venu le féliciter pour son passage sur France 2 », relate CNews. En cause, la personnalité sulfureuse du Franco Marocain, condamné en 2023 à quatre mois de prison avec sursis pour menaces de mort.
La voix des banlieues
Né en France de parents marocains, Yassine Belattar s’est d’abord fait connaître en tant qu’humoriste et chroniqueur. Tout commence en 2003 alors qu’il anime les chroniques matinales au sein de la radio Générations 88.25, où il rencontre Thomas Barbazan, l’acolyte avec lequel il a animé presque quinze ans plus tard l’émission Les Trente Glorieuses, sur Radio Nova.
Pendant une quinzaine d’années, sur scène, sur les ondes (la matinale du Mouv’) et sur les plateaux télévisés (En aparté chez Pascale Clark, On achève bien l’info sur France 4), Yassine Belattar aiguise ses punchlines, dégainant à tout-va sur les Noirs, les Blancs, les juifs ou les Arabes.
L’animateur radio devient la voix des banlieues quand il dézingue le Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, parti en campagne pour l’Elysée dénonce la « racaille » sur la dalle d’Argenteuil et veut donner du Kärcher à La Courneuve.
Un proche d’Emmanuel Macron
Car Yassine Belattar adore la politique et, surtout, les politiques. Il soutient Ségolène Royal à l’élection présidentielle de 2007, François Hollande en 2012 et Emmanuel Macron en 2017.
Hier consensuel, Yassine Belattar devient un personnage clivant, adoré ou détesté, connu pour ses clashs sur les réseaux sociaux et sur les plateaux de télévision. Il vole dans les plumes de David Pujadas sur LCI, s’agaçant qu’on demande sans cesse à tous les musulmans de se justifier depuis les attentats de 2015. Il s’échauffe face à Bernard Kouchner sur France 2 dans un débat sur la laïcité. A la condescendance de l’ex-ministre, il rétorque sur Facebook : « Je ne travaille pas dans un champ de coton. »
Proche du président de la République depuis sa première campagne présidentielle, la voix des banlieues est nommée en 2018 membre de l’instance du Conseil présidentiel des villes. Une nomination qui lui vaut de nombreuses attaques, notamment de Manuel Valls qui y décèle « une faute et un signe de faiblesse ».
Un défenseur du voile
Il démissionne en 2019 après les propos de Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’Éducation nationale, sur le voile, au détour d’une polémique lancée par l’élu RN Julien Odoul qui a visé une mère de famille voilée, accompagnatrice scolaire, sommée de l’enlever durant une séance plénière du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté.
« Je suis conscient que l’ambiance actuelle dans notre pays n’est pas liée à votre élection, mais je suis déçu que certains ministres que vous avez choisis ne supportent même pas l’idée de voir une femme voilée sur le territoire. Cette femme était du bon côté de la loi, elle est mère, elle est libre, le reste n’est qu’agression et jugement moral dont on se passerait bien », adresse-t-il à Emmanuel dans une lettre parue sur le site de Libération.
« Je suis Français, je suis musulman, je suis africain, je suis afro européen, je suis de banlieue. Je ne suis pas binaire, je suis français donc pluriel », explique-t-il. Et d’ajouter : « Je connais votre talent et votre envie de changement liée à notre génération, mais sachez, M. le Président, qu’il faudra légaliser les musulmans dans ce pays avant de légaliser la marijuana. »
La cible de la droite et de l’extrême droite
L’humoriste devient la cible de la droite et de l’extrême droite. Valeurs actuelles le décrit en « Dieudonné de Macron ». L’avocat polémiste Gilles-William Goldnadel le taxe d’être « islamiste » sur RMC. Dans une interview accordée au site BuzzFeed, il déclare pourtant : « L’islam, je m’en fous ! Je suis croyant, mais ça n’a jamais été mon prisme. Même Éric Zemmour connaît mieux le Coran que moi. »
Dans le journal Marianne, l’essayiste Céline Pina, proche du Printemps républicain (mouvement controversé fondé par le politologue Laurent Bouvet, avec qui l’humoriste s’est écharpé sur la laïcité et la place de l’islam en France), estime qu’il est proche « des Frères musulmans ». Elle le décrit comme un « faux clown et vrai danger », avant que l’autrice du papier ne soit obligée de revenir sur des propos de Belattar qu’elle avait déformés.
Principal argument de ses détracteurs, en 2015, l’humoriste a joué les maîtres de cérémonie à une soirée organisée par le controversé Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). « Beur FM, pour qui je travaillais à l’époque, m’a demandé d’animer cette soirée. Mais ça ne veut pas dire que je partage toutes leurs idées », se défend l’intéressé dans un portrait du journal Le Monde.
Condamné pour menaces de mort
Yassine Belattar n’est pas pour autant un ange. En février 2018, il est mis en garde à vue après une altercation avec une policière en marge d’un déplacement d’Emmanuel Macron aux Mureaux, où il était invité.
En septembre 2023, il est condamné à quatre mois de prison avec sursis pour menaces de mort et crimes visant plusieurs personnalités du monde du spectacle entre 2018 et 2019.
Malgré cette condamnation, il est reçu par deux conseillers de l’Elysée en novembre 2023, quelques jours avant la grande marche contre l’antisémitisme. Certains médias font le lien entre cette visite à l’Élysée et la décision du chef de l’État de ne pas participer à ladite manifestation, suscitant une nouvelle polémique autour d’une prétendue complaisance de Yassine Belattar avec la mouvance islamiste depuis l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023.
Des reproches répétés ce lundi soir après l’annonce de la présence de l’humoriste au Maroc. « Comment ce prétendu humoriste, condamné pour menaces de mort, proche des antisémites du CCIF [Collectif contre l’islamophobie en France], peut-il être présent à un voyage de cette importance en compagnie du président de la République ? » a questionné Jordan Bardella sur X.
Selon le président du Rassemblement national, qui ne trouve par ailleurs rien à redire à la venue lors de ce même voyage d’État du photographe François-Marie Banier, condamné en 2016 à quatre ans de prison avec sursis et 375.000 euros d’amende pour abus de faiblesse sur Liliane Bettencourt, sa venue est aussi « irrespectueuse pour la France que pour le Maroc ». « Un moment historique, pas besoin d’en faire d’histoires », a réagi de son côté Yassine Belattar sur son compte Instagram.
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