Election américaine 2024 : Toujours accro aux infox, Trump prépare à nouveau la petite musique d’une élection volée

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La séquence a fait le tour du monde et aurait pu entraîner un repentir du candidat. Pas pour Donald Trump, qui a soutenu mordicus, lors du débat qui l’opposait le 10 septembre à sa rivale démocrate Kamala Harris, que des migrants haïtiens mangeaient des animaux de compagnie dans la petite ville de Springfield, dans l’Ohio. Le candidat républicain à la Maison-Blanche a lancé cette allégation sans fondement en direct à la télévision nationale. Immédiatement, il est repris par les journalistes qui animent le débat, lesquels expliquent que cette affirmation est fausse. La police de Springfield avait de son côté déjà démenti cette rumeur.

Mais le mal est fait : des Américains viennent patrouiller dans la ville, les enfants de migrants sont obligés d’être escortés à l’école. Même les dénégations d’un officiel de la mairie de Sprinfield auprès de l’équipe de J. D. Vance, le colistier de Donald Trump, ne sont pas entendues dans le camp du candidat.

21 affirmations fausses ou trompeuses en moyenne par jour lors de sa présidence

Les infox, Donald Trump en répète à longueur de meetings. Il devrait d’ailleurs en lancer ce dimanche soir depuis le Madison Square Garden de New York. Ce n’est pas une surprise : depuis 2016, il carbure aux fake news, expression qu’il a d’ailleurs contribué à populariser. Pendant ses quatre années à la Maison-Blanche, Donald Trump a soutenu 30.573 affirmations fausses ou trompeuses, selon les calculs du Washington Post, soit 21 en moyenne par jour.

Durant cette campagne 2024, Donald Trump a gardé la même stratégie : répéter à l’envi outrances, exagérations et mensonges complets. Sa cible préférée ? Les démocrates et sa rivale, Kamala Harris. Malgré les articles de fact-checking et les rectifications de ses rivaux, Donald Trump ne varie pas d’un iota, même quand il attaque l’agence fédérale chargée de venir en aide aux sinistrés des ouragans Helene et Milton, au risque de voir des personnes s’éloigner de cette aide.

« Une majorité de l’électorat républicain le croit de toute façon »

Pourquoi Donald Trump persiste-t-il ? « Cette stratégie fonctionne avec son électorat de base, qui est l’électorat qu’il faut mobiliser, répond à 20 Minutes Grégory Benedetti, maître de conférences en civilisation américaine à l’université Grenoble-Alpes. Cet électorat ne lui en tient pas rigueur. »

Lauric Henneton, maître de conférences en civilisation américaine à l’université de Versailles Saint Quentin, y voit également « une incapacité de Donald Trump à se remettre en question ». Lorsqu’il a été interviewé le 16 octobre par des citoyens lambda sur la chaîne Univision, Donald Trump « répondait complètement à côté. » Peu importe la rhétorique utilisée par l’ex-président, « une majorité de l’électorat républicain le croit de toute façon » et a presque basculé dans « l’idolâtrie ».

Pour preuve ? Lorsque Donald Trump « est corrigé en direct, ces corrections n’ont plus d’importance » pour cet électorat, complète Alexis Pichard, chercheur en politique et médias américains à l’université de Nanterre. « Ils ne croient plus aux rétablissements des faits car ils ne croient plus en ceux qui sont chargés de le faire : journalistes, scientifiques, politiques… »

Une forme « d’immunité »

Donald Trump joue aussi d’opportunisme en s’engouffrant dans un scepticisme qui a des racines anciennes. « Depuis les années 1960 au moins, il y a une défiance envers les institutions de plus en en plus installée, note Lauric Henneton. La guerre du Vietnam et le Watergate n’ont pas aidé. » Cette carte du scepticisme, voire du complotisme, Donald Trump l’active franchement lorsqu’il répète à l’envi que s’il perd, ce sera à cause d’un « vol » de l’élection par les démocrates. Une répétition de ce qu’il avait déjà poussé en 2020, refusant de reconnaître sa défaite et parlant d’une fraude massive. L’hypothèse a été maintes fois réfutée, y compris par des juges nommés par Donald Trump.

 » Je vote pour ce délinquant « , lit-on sur le tee-shirt de cette partisane de Donald Trump. - Julia Beverly//SIPA

Malgré cela, une partie de l’électorat trumpiste est encore convaincue que le scrutin de 2020 a été truqué. Pour Lauric Henneton, la persistance de ces croyances « va au-delà du rationnel : tout cela donne à Donald Trump une forme d’immunité, qui lui est très propre. » Aucun autre membre du parti républicain ne bénéficie d’une telle aura, qui permet au candidat de « franchir un certain nombre de lignes rouges ». Ses affaires judiciaires sont ainsi perçues comme des procès « politiques », et l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 vu comme un sursaut patriotique.

« Oui, mais… »

Aux Etats-Unis, le résultat de l’élection se joue dans les fameux Etats pivots, les « swing states », qui basculent d’une élection à l’autre dans les camps démocrate ou républicain. Avec de telles outrances, Donald Trump ne risque-t-il pas d’effrayer ces si importants électeurs ? « La question est celle du dosage, répond Lauric Henneton. Oui, il y a des gens qui vont commencer à se dire que cela commence à faire beaucoup d’infox, beaucoup de tweets, mais… mais je vais voter pour lui parce que c’est un bon chef d’entreprise, parce qu’il est charismatique… »

Le spécialiste ajoute que ces électeurs indépendants « sont les plus mal informés. Cela veut dire que, par exemple, quand on leur parle d’inculpation de Donald Trump, ils peuvent dire que c’est un coup des démocrates qui cherchent à l’avoir, il y a une attitude de scepticisme. »

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