Un samedi comme les autres, sauf pour les fans d’e-sport. Pour eux, l’événement du week-end se tient à deux pas des bruits de voiture du périph parisien. Une file attend de rentrer dans l’Adidas Arena, qui accueille la demi-finale des Worlds, le championnat du monde par clubs de League of Legends, le plus gros jeu de la discipline. Et les spectateurs sont venus prouver que les événements e-sportifs passent au niveau supérieur.
Les 8.500 places de l’Adidas Arena sont parties en un clin d’oeil. Dans la salle, l’ambiance est électrique, pour un match pourtant 100 % chinois, Weibo contre Billibilli. Plus qu’une compétition, c’est un show avec spectacle sons et lumières, et bande-annonce sur la rivalité entre les deux équipes qui a lieu dans cette arena plus habituée au basket et au handball. Plus tôt dans la semaine, elle avait aussi accueilli les quarts, tandis que les phases préliminaires avaient lieu à Berlin et que la finale aura lieu à Londres.
« On partage quelque chose avec toute une salle »
Cette atmosphère de fête représente bien les rassemblements e-sport. « L’ambiance est trop bien », s’exclame Julien, croisé dans les travées entre deux manches. Si c’est un habitué des événements e-sport, pour son acolyte Thomas, c’est une première. « C’est impressionnant de voir des joueurs d’un tel niveau », estime le jeune homme.
Les matchs sont aussi devenus des occasions pour les communautés qui vivent en ligne de se rassembler dans la vraie vie. « C’est fou, on sent vraiment qu’on partage quelque chose avec toute une salle qui a la même passion, reprend Julien. Les gens hurlent à la moindre action, c’est trop bien. » « D’habitude, les joueurs n’ont pas l’occasion d’être aussi connectés avec le reste des fans, commente Juliet Reason, productrice des événements e-sport chez Riot Games, le studio derrière League of Legends. Là, les gens sortent de chez eux, il y a un sentiment d’unité qu’on n’a pas tous les jours. C’est une opportunité de se rassembler, parfois de se rencontrer pour la première fois. »
Des villes demandeuses
Il faut dire que les spectateurs parisiens sont particulièrement représentatifs de cette ambiance survoltée. « On a un public vraiment fou en Europe et particulièrement en France », confirme Julien, habitué des tournois à Berlin et Madrid. Malgré un dernier carré des Worlds formé de quatre équipes asiatiques, il a répondu présent pour cette édition : « Demain, pour l’autre demi-finale, il y a T1, c’est un peu pareil ! », ajoute-t-il. L’écurie coréenne est en effet particulièrement populaire dans l’Hexagone, comme l’explique L’Equipe.
« Ça fait du bien de revenir en Europe [la dernière édition des Worlds à s’y être arrêtée remonte à 2021, à Reykjavik], se réjouit Juliet Reason. On aime faire voyager les gens, et la fanbase en France est incroyable, surtout à Paris. » De quoi faire de la capitale une place forte d’e-sport, à l’heure où de plus en plus de villes s’intéressent à l’organisation d’événements – Nice va par exemple accueillir la première édition européenne de l’EVO, le championnat du monde des jeux de combats, en 2025. « C’est un bon moyen de s’adresser et d’intégrer les plus jeunes dans la vie de leur ville », analyse la productrice de Riot.
Enjeu : élargir le public
Dans les gradins se retrouvent plusieurs catégories d’âge, sans qu’on puisse vraiment parler de public familial. Malgré l’engouement, les Worlds s’adressent quand même à des fans hardcore d’e-sport. « League of Legends est un jeu qui demande beaucoup de connaissance et d’informations pour suivre », reconnaît Julien. Mais Riot Games est toujours à l’affût de nouvelles manières d’attirer les spectateurs. « On a un nombre croissant de codiffuseurs et de « watch party ». On développe aussi des flux verticaux spécifiquement pour Instagram et TikTok, par exemple, assure Juliet Reason. Et avec quinze ans de League of Legends, des gens qui ont joué au jeu peuvent maintenant amener leurs enfants voir les matchs. »
Quand on voit le public s’enflammer, impossible d’oublier que l’Adidas Arena accueillait il y a à peine quelques semaines le badminton et la gymnastique pour les Jeux olympiques de Paris. Et avec des initiatives comme la coupe du monde par nation et un projet de JO de l’e-sport, les spectateurs peuvent rêver d’événements encore plus grand. « Nous soutiendrons l’Esports World Cup et n’importe quel événement tiers, on suit la phase de réflexion sur les JO, et on est content d’apporter plus de League of Legends dans la vie de nos joueurs », affirme Juliet Reason. Avant de tempérer : « Cependant, à la fin, Riot se concentrera toujours sur sa propre scène compétitive. »
Après une première manche poussive, c’est Billibilli qui a largement dominé et qui s’est qualifié pour la grande finale de Londres le 2 novembre. Le public a probablement les yeux rivés sur l’autre demi, où joue « Faker », surhomme de League of Legends, qui a gagné un titre de champion du monde à 17 ans lors de sa première année, complété l’an dernier par la médaille du plus vieux champion du monde à 27 ans, et deux autres trophées entre-temps. Si l’ambiance était électrique samedi, elle sera explosive ce dimanche.
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