Hoshana Raba : temps juif et temps universel par Manitou
La première partie de l’étude va porter sur la place de Hoshaana Raba dans le calendrier. J’essaierais d’illustrer cette introduction par un texte du Maharal concernant ce qu’on pourrait définir comme étant l’élection particulière d’Israël, la place particulière d’Israël par rapport à la Torah. C’est-à-dire que cela portera à la fois sur Hoshânah Raba et sur Sim’hat Torah.
Comme vous le savez, nous sommes à la fin de la fête de Soukot qui est une des fêtes principales du mois de Tishri. En fait, dans le mois de Tishri se rejoignent deux séries de jours de commémoration du calendrier : ceux qu’on appelle les Yamim Noraïm qui commencent à Rosh Hashanah -Yom Kipour et Hoshaana Raba – et d’autre part les Moadim qui commencent à Pessa’h, Shavouot et Soukot.
Et le jour de Hoshâna Rabah est le jour où se rejoignent ces deux séries de commémorations du calendrier de la Torah, c’est-à-dire, les Moadim qui sont les fêtes de pèlerinages commémorant les grands événements fondateurs de l’histoire d’Israël, et dont le principe est la sortie d’Egypte. Et nous avons donc Pessa’h, la sortie d’Egypte elle-même, Shavouot la commémoration de la révélation de la Torah au Sinaï après la sortie d’Egypte, et Soukot qui est une sorte de rappel de Pessa’h mais dans un autre calendrier, celui de Tishri.
Mais le mois de Tishri lui-même possède sa propre liturgie qui est celle des Yamin Noraïm – les jours du jugement : d’abord Rosh Hashanah qui est le jour du jugement lui-même, ensuite Yom Kipour qui est le jour de l’expiation et du pardon le 10 Tishri ; et Hoshana Raba qui est en même temps que les derniers jours de la fête de Soukot, l’achèvement des Yamim Noraïm.
Je vais procéder par approches successives pour essayer de mettre en évidence la convergence de deux calendrier dans l’année : celui qui commence à Nissan, et celui qui commence à Tishri.
Vous savez que du point de vue de la Torah depuis la sortie d’Egypte, le commencement de l’année est à Nissan. Le verset c’est:
Exode 12.2
הַחֹדֶשׁ הַזֶּה לָכֶם, רֹאשׁ חֳדָשִׁים: רִאשׁוֹן הוּא לָכֶם, לְחָדְשֵׁי הַשָּׁנָה
« Ha’Hodesh Hazeh Lakhem Rosh ‘Hodashim Rishon Hou Lakhem Lé’hodshei Hashana… »
Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois; il sera pour vous le premier des mois de l’année.
Au moment de la sortie d’Egypte qui a eu lieu au mois de Nissan à l’époque du printemps, la première des révélations qui est donnée à Israël, c’est la première Mitsvah comme Mitsvah, c’est que l’année sera comptée à partir de Nissan. Et que les mois qui commencent à la nouvelle lune c’est dans le même verset, les deux enseignements qui sont entremêlés ; il y a donc un renouvellement de la structure du calendrier à la sortie d’Egypte.
Et puis, nous savons que Rosh Hashanah, le commencement de l’année, est cependant le début du mois de Tishri qui est le 7ème mois à partir de Nissan.
C’est là le 1er point que je voudrais éclaircir : Comment se fait-il que nous ayons deux principes de compte du temps dans la même année ? C’est déjà évidemment différent d’autres calendriers, d’autres traditions, qui ont une seule structure de compte du temps.
D’une façon générale un calendrier liturgique, dans toute liturgie que ce soit, et en particulier dans la liturgie de la Torah, enferme dans le temps de l’année tous les rythmes des différentes situations de l’existence depuis le début jusqu’à la fin du temps de l’histoire.
En d’autres termes, nous vivons à travers le temps de l’année toute la signification de l’histoire du monde selon une tradition donnée. Ceci est vrai pour tous les calendriers liturgiques dans les traditions qui connaissent encore leurs sources, et c’est d’autant plus vrai pour la tradition de la Torah.
Depuis le début de l’année jusqu’à la fin de l’année, il y a un itinéraire, un cheminement d’expériences spirituelles à travers la liturgie qui nous font vivre à l’échelle du temps humain, ce qu’est suivant la tradition considérée, la signification de la destinée de l’histoire du monde.
Ainsi, Rosh Hashanah c’est la création du monde et c’est le début de l’année. Le début de l’année nous fait vivre à notre échelle un événement d’expérience, plus que par analogie, de ce qu’est le commencement de l’histoire du monde. Et ainsi tout au long de l’année, chaque conscience, chaque âme, chaque personne, vit dans son monde intérieur, sa vie intérieure, la signification de l’histoire suivant la révélation qui la concerne. En particulier, la révélation à Israël c’est la révélation de la Torah.
Or, voici qu’il y a apparemment un cas particulier : nous avons deux structures de rythme du temps dans l’année, alors qu’on s’attendrait à une seule structure du temps, c’est-à-dire d’effectuation des significations de la durée.
C’est un principe assez connu : l’homme à son échelle individuelle vit sous la forme du microcosme comme disent les érudits ce qu’est l’histoire du macrocosme, du grand univers, et ceci est revécu chaque année dans une tradition qui se connait et qui s’assume.
En fait, nous avons quatre commencements de l’année, quatre structures du temps. Mais pour le sujet de ce soir, la place de Hoshâna Rabah et des fêtes de Tishri, je vais schématiser sur ces deux commencements de l’année que sont le 1er Nissan et le 1er Tishri. Il y a aussi comme vous le savez le 1er Eloul et le 15 Shevat. Et donc pour ceux qui ont étudié ces textes, cela renvoie au 1er chapitre de la Massekhet Rosh Hashanah « Arba HaSheshanim ». Cela renvoie donc à une structure de l’être du monde en quatre niveaux, mais je vais donc schématiser sur ces deux pôles de l’année qui commence à Nissan et de l’année qui commence à Tishri.
Le premier principe sur lequel je n’insisterais pas au début c’est que: l’année qui commence à Tishri commémore, récapitule et donne une signification aux événements de l’histoire universelle. Alors que l’année qui commence à Nissan concerne strictement le temps d’Israël. Or, le temps d’Israël a commencé à partir de la sortie d’Egypte. Raison pour laquelle l’année nationale hébraïque est l’année qui commence à Nissan.
Mais le peuple hébreu a existé avant le temps de la sortie d’Égypte.
Il y a dans notre histoire deux grandes époques en ce qui concerne notre sujet des grandes étapes de la durée de l’histoire d’Israël : le temps des pères et le temps des fils.
Les pères ce sont les Avot, les pères d’Israël, le temps des patriarches comme on dit en français. Et l’histoire du peuple d’Israël en tant que Bnei Israël, les fils d’Israël, commence à la sortie d’Egypte. Et donc, la structure du temps telle que l’ont connu les patriarches était encore le temps de l’année universelle. Donc, leur calendrier commençait à Tishri. C’est à partir de la sortie d’Egypte dans la 2ème époque de l’histoire d’Israël, l’époque des fils d’Israël, que la structure du temps est comptée à partir de Nissan.
Effectivement, c’est du dedans de l’humanité en général où l’entité hébraïque était encore en gestation au temps des patriarches à partir d’Abraham qu’elle émerge de l’humanité universelle, du temps de Tishri, si j’ose dire ; et puis finalement, la naissance du peuple d’Israël comme identité spécifique commence à la sortie d’Egypte. Ce qui est marqué par l’année qui commence à Nissan.
Donc, il ne faut pas s’étonner de ce que la Torah nomme le mois de Tishri le 7ème mois, alors que c’est au début de Tishri que l’on situe le début de l’année qui commémore la création du monde. Suivant le principe de la récapitulation des événements de l’histoire dans toute son extension, à l’échelle de la durée d’une année humaine, si nous disons de Rosh hashanah que c’est le jour qui commémore la création du monde, cela devrait être le 1er mois du calendrier. En fait le 1er mois c’est Nissan.
On a suffisamment compris je pense qu’il y a une mutation qui s’est produite à la sortie d’Egypte : à Nissan commence le temps d’Israël, alors qu’à Tishri commence le temps universel.
Ce que nous avons vu précédemment de cette convergence entre les deux séries de commémoration, celle de l’histoire d’Israël spécifique qui commence à Nissan à la sortie d’Egypte (Pessa’h-Shavouot-Soukot) et le temps des nations qui commence à Rosh Hashanah, avec comme point culminant le 10 Tishri de Kipour et puis son achèvement (achèvement non encore ultime comme nous le verrons) à Hoshâna Rabah converge dans une journée particulière, celle de Hoshanah Raba, qui fait partie et de Soukot donc des Moadim, et des Yamim Noraïm donc du temps universel.
Vous comprenez pourquoi la journée de Hoshâna Rabah qui commence ce soir a une caractéristique si particulière et si spéciale dans le calendrier hébraïque tel que nous le commémorons depuis les temps de la Torah et à travers toutes les péripéties du temps de l’histoire juive jusqu’à nous.
C’est une liturgie où il y a à la fois le jour de fête des Moadim – des fêtes de pèlerinage – c’est la fin de la période de la semaine de Soukot, et aussi une liturgie des Sli’hot – les prières d’expiation – qui fait partie de celle de Tishri, c’est-à-dire, Rosh Hashanah – Kipour – Hoshâna Rabah.
J’espère cette introduction suffisante pour indiquer le caractère particulier de Hoshâna Raba.
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