La vidéo est insoutenable. Publiée lundi sur Instagram, on y voit un homme consumé par les flammes, après qu’un tir de l’armée israélienne a touché dans la nuit de dimanche à lundi une cour à côté de l’hôpital Al-Aqsa, à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza.
La frappe, revendiquée par l’armée israélienne, a fait cinq morts et 65 blessés, selon Médecins sans frontières. Par la voix de son porte-parole, l’ONU a condamné lundi les morts de civils et a appelé « toutes les parties » du conflit à « respecter la loi humanitaire internationale ».
Cette vidéo a été filmée par Saleh Al Jafarawi, un Palestinien qui publie à l’adresse de ses 5,3 millions d’abonnés de son compte Instagram des vidéos du conflit, déclenché par les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. Cet homme est régulièrement accusé d’être un « acteur » ou de mettre en scène ses vidéos, notamment à l’aide de ce montage :
Ce montage et ces accusations ont ressurgi après la frappe de lundi. Sur X, l’actrice Véronique Genest a ainsi ironisé : « Et alors, et alors ? Fafo est arrivééé, sans s’pressééé [er] le beau Fafo, le grand Fafo… » Une allusion à un des surnoms attribués à Saleh Al Jafarawi par des comptes pro-Israël. Fafo est un acronyme anglais pour « Fuck around, find out », qui peut être traduit par « fais n’importe quoi, tu en découvriras vite les conséquences ». La députée LFI Ersilia Sourdais a annoncé avoir fait un signalement à la procureure de la République suite à ce tweet.
D’autres personnalités ont également remis en doute l’authenticité des images. La rabbin Delphine Horvilleur a remercié « ceux qui (contrairement à ce monsieur en photo [Saleh Al Jafarawi]) s’intéressent à la vérité et cherchent à en rendre compte », tandis que Nathalie Beizermann, la vice-présidente du CRIF, a évoqué une mise en scène de « Pallywood », une contraction péjorative de « Palestine » et « Hollywood », utilisée pour disqualifier certaines images provenant de Palestiniens*.
FAKE OFF
Saleh Al Jafarawi n’est pas la seule personne à avoir documenté cette attaque. Plusieurs photographes travaillant pour les agences de presse américaines Reuters et AP, ainsi que pour l’agence Nur Photo, étaient présents sur place.
L’armée israélienne a elle-même reconnu la frappe auprès de Reuters et de Libération. Ses représentants ont expliqué avoir visé des « militants » du Hamas qui se seraient trouvés dans le complexe hospitalier.
Saleh Al Jafarawi a quant à lui commencé à poster régulièrement sur Instagram au début du conflit. Le 7 octobre 2023, comme le rappelle Libération, il poste des vidéos où il célèbre les attaques du Hamas contre Israël. Dès le 8 octobre, il documente l’impact du conflit dans la bande de Gaza, montrant des frappes, des victimes et les bâtiments en ruine. Il filme également des scènes de la vie quotidienne. Trois semaines après le début du conflit, il est accusé pour la première fois – à tort – d’être un acteur. Le 6 novembre 2023, le compte X officiel de l’Etat d’Israël reposte le photomontage et l’accuse d’être « un acteur des situations de crise du Hamas ». Le tweet a depuis été effacé.
Ces six images constituant le photomontage ne montrent pas toutes le jeune homme palestinien. Celle montrant une personne entourée d’un drap montre en réalité un enfant déguisé pour Halloween en Thaïlande, comme nous l’expliquions dans cet article. Quant à l’homme allongé sur un lit d’hôpital, le torse couvert d’électrodes, il s’appelle Mohammed Zendiq. Ce Palestinien âgé de 16 ans a perdu une jambe après une attaque de l’armée israélienne sur le camp de réfugiés de Nur Shams le 24 juillet 2023.
* Contactées, Delphine Horvilleur et Nathalie Beizermann n’avaient pas donné suite à nos demandes au moment de la publication de l’article.
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