Rugby : « Une violence assez inouïe »… Comment la campagne pour la présidence de la FFR a viré au règlement de comptes

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Quand on pense à une élection prévue cet automne, on songe à Washington plutôt qu’à Marcoussis. Pourtant, une quinzaine de jours avant les Etats-Unis, la Fédération française de rugby (FFR) connaîtra le nom de son (possible) nouveau président samedi. Que ce soit le sortant Florian Grill ou son concurrent Didier Codorniou, il appellera bien entendu au rassemblement de l’ovalie tricolore. Mais la tâche sera ardue, voire impossible, tant les deux camps se sont déchirés ces derniers mois.

Pourtant, le patron actuel de la FFR (59 ans) et l’ancien centre international aux 32 sélections (66 ans), qui s’est déclaré en mai, avaient promis des débats dignes, bien au-dessus de la ceinture. Au lieu de quoi, les échanges ont viré au pugilat verbal, tout au long d’un été aussi consternant que dramatique, entre les affaires Jaminet et Jégou-Auradou en marge de la tournée du XV de France en Argentine, et la disparition en mer du jeune international U18 Medhi Narjissi en Afrique du Sud.

Florian Grill, président sortant de la FFR, le 4 septembre 2023 à Paris.
Florian Grill, président sortant de la FFR, le 4 septembre 2023 à Paris. - Ch. Ena / AP / SIPA

« Je m’attendais à une campagne principalement tournée vers le projet, l’apaisement, le rassemblement, d’où mon slogan de « réenchanter le rugby », relève Codorniou, chef de file de la liste  »100 % Rugby ». J’ai été assez surpris de vivre ces tensions, notamment sur les réseaux sociaux. Je les consulte très, très peu, mais on m’en parle. » « La campagne est d’une violence assez inouïe, juge Grill, abonde le chef de file d’« Ovale Ensemble ». Je veux rester sur l’image de l’international Didier Codorniou, avec lequel on s’engageait pour une campagne propre. De mon côté, je tiens mon engagement. »

Le coup d’éclat du 1er octobre

Evidemment, les deux camps se renvoient la responsabilité de ce climat électrique, où chaque sujet devient un motif supplémentaire pour s’écharper. Le 1er octobre, 16 membres de l’opposition ont ainsi spectaculairement démissionné du comité directeur de la FFR. Un geste essentiellement symbolique, 19 jours avant le scrutin. Parmi les mutins, Patrick Buisson, proche de l’ancien président Bernard Laporte et battu par Grill lors de l’élection de juin 2023, ou encore l’ex-capitaine du XV de France Guilhem Guirado, ancien bras droit de Buisson désormais colistier de Codorniou.

Dans une lettre adressée au patron de la FFR, les mutins ont justifié leur coup d’éclat par le choix de la Fédération d’assigner en liquidation judiciaire le Coq Sportif, son ancien équipementier, mais aussi par un autre drame qui a endeuillé le rugby français : la noyade d’un adolescent de 13 ans originaire de Futuna. L’opposition a accusé le pouvoir en place de lui avoir caché des informations sur ce décès, ce que ce dernier a démenti, documents à l’appui.

Didier Codorniou, seul concurrent du président sortant, le 11 juin 2024 à Paris.
Didier Codorniou, seul concurrent du président sortant, le 11 juin 2024 à Paris. - J. Saget / AFP

« La démission est due à un trop-plein de décisions prises sans consultation, synthétise Guirado, qui reproche au camp Grill un manque de transparence. Dès qu’on veut demander une information, dès qu’on veut aborder un sujet, on nous répond tout de suite : « récupération politique ». Mais au bout d’un moment, quand c’est récurrent, c’est qu’il y a peut-être un problème de fond. »

En parlant de politique, L’Equipe avait révélé mi-septembre que Didier Codorniou, maire de Gruissan (Aude), était visé par deux enquêtes judiciaires, une première liée à l’attribution de marchés publics, une seconde à un accident de manège ayant coûté la vie à un enfant de 2 ans et demi en 2018.

Un constat similaire sur les besoins de leur sport

Tout en affirmant n’avoir « rien à craindre de l’un ou l’autre dossier », l’ancien « Petit Prince » du rugby français avait affirmé sur RMC ne pas « trop croire aux coïncidences », en laissant entendre que son concurrent pouvait avoir joué un rôle dans ses révélations.

Au milieu de cette cohue, les présidents de clubs vont devoir faire un choix en fin de semaine, alors que leurs problèmes sont bien éloignés de ces querelles de personnes. Et le constat de ces maux est sans doute la seule chose qui met d’accord les deux camps. Derrière un rugby pro qui vit plutôt bien, sans être à l’abri des soucis financiers de la FFR, le secteur amateur galère trop souvent, entre fuite de licenciés chez les jeunes garçons, frais de déplacement parfois difficilement soutenables et bénévoles de plus en plus rares.

Les pages « Ovalie » du bihebdomadaire Midi Olympique, consacrées au sport d’en bas, décrivent régulièrement des clubs obligés de déclarer un forfait général dans certaines catégories ou carrément de se mettre en sommeil pour une durée indéterminée. En Nationale (troisième division), Hyères-Carqueiranne a ainsi dû renoncer à s’aligner, comme Blagnac en cours de saison dernière.

« Nous sommes le deuxième sport dans les médias et le dixième en nombre de licenciés [361.704 licenciés en mai 2024] », observe Florian Grill, qui espère avoir les coudées franches pour poursuivre ses réformes afin de « relancer le rugby par la base, avec la hausse du nombre de licenciés », comme ce « Plan Marshall de 20 millions d’euros pour les installations, une vraie réussite ».

Didier Codorniou promet en cas de victoire des « assises, de janvier jusqu’en mars-avril 2025 » pour évoquer de manière collégiale tous les maux du rugby, avant la mise au vote « lors de l’assemblée générale du premier week-end de juillet à Clermont-Ferrand du livre bleu qui donnera les orientations pour les dix ou quinze prochaines années ».

Les deux rivaux s’accordent aussi sur les besoins de simplifier les formalités administratives, ainsi que sur les soucis de santé, liés aux commotions notamment, et d’addiction qui empoisonnent leur sport.

Des divergences sur l’état des finances de la FFR

Mais l’analyse diverge de nouveau dès qu’il s’agit d’évoquer les moyens dont dispose la FFR pour mener sa politique. Didier Codorniou et ses proches accusent le président sortant de noircir le tableau. « Il y a eu trois postes créés, des financements pour les Ligues [régionales], il y a beaucoup d’argent distribué. Quand une entreprise ou une collectivité est en difficulté, on fait très attention. Là, ce n’est pas le cas. »

« D’aucuns peuvent dire ce qu’ils veulent, mais quand vous regardez le rapport de KPMG, un cabinet complètement indépendant, il est clair qu’il y a un vrai souci, réplique Clotilde Delbos, qui sera la trésorière de la Fédé si Florian Grill est réélu. J’ai peur que certains confondent les fonds de dotation qui ne nous appartiennent pas avec les fonds propres de la FFR. » Aux dirigeants de clubs amateur de faire leur choix désormais, après cette rude campagne : ils sont appelés à voter électroniquement entre vendredi 8 heures et samedi midi.

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