A deux mois de l’ouverture de la saison, la décision est « brutale » pour Lauranne Vincent, interrogée par France 3. Cette propriétaire d’un magasin de sport à l’Alpe du Grand Serre, en Isère, est à la fois « abattue et sous le choc ». Le 4 octobre, la communauté de communes a annoncé la fermeture définitive de cette station d’Isère, située à 1.368 mètres d’altitude.
Deux jours plus tard, dans les Alpes-de-Haute-Provence, ce sont les habitants de la Seyne-les-Alpes qui ont voté à 71 % pour la fermeture définitive des remontées mécaniques du Grand Puy. « Mais on n’arrête pas l’activité touristique, on change de paradigme et on passe sur une économie de la nature et du sport », a précisé le maire, Laurent Pascal, à la télévision locale.
« Même si ça peut impressionner, ça ne signifie pas »la fin du ski ». La fin d’une activité est tout à fait »classique » plus de deux cents ans après l’arrivée du tourisme en montagne », alerte d’entrée le géographe Pierre-Alexandre Metral, soulignant que ce ne sont pas des stations comme Alpe d’Huez qui stoppent leurs remontées.
Depuis les années 1970, plus de 180 domaines skiables ont fermé en France, en grande majorité des microstations familiales non rentables situées en moyenne montagne, selon le décompte de ce doctorant à l’université de Grenoble. Mais alors, que sont-ils devenus depuis ?
Les domaines skiables laissés à l’abandon ou le retour à l’état naturel
Pierre-Alexandre Metral, spécialiste des stratégies de reconversion des stations abandonnées, appuie sur le fait que « la plupart des sites qui ont fermé sont de toutes petites structures ». Dans une partie des cas, « tout est laissé en place ». « On est sur une trajectoire d’abandon, appuie le géographe. Souvent, elle arrive parce qu’il n’y a pas de projet de relance. Cet état peut-être passager, avant de trouver des financements pour opérer le démontage. » Il cite l’exemple de Vauplane Soleihas, dans le Verdon, qui a fermé en 2019 et dont les quatre téléskis sont toujours en place ainsi que le bâtiment d’accueil qui distribuait les forfaits.
Une autre trajectoire, c’est le « retour à l’état naturel ». « Comme si le ski n’avait été qu’une parenthèse », résume Pierre-Alexandre Metral. Dans ces cas-là, un démontage intégral de toutes les structures a été opéré pour que les sites reprennent « leur fonction prétouristique », comme « être des alpages, des forêts, des pâturages », énumère le spécialiste, donnant comme exemple le Col du Coq en Isère. « C’est la trajectoire la plus couramment rencontrée pour les petits sites, observe-t-il. Surtout pour ceux où il n’y avait pas de raison de vouloir opérer une reconversion. »
La réouverture ou la réhabilitation des stations
Les possibilités de reconversions des stations sont pourtant multiples, selon les observations de Pierre-Alexandre Metral, réalisées dans le cadre de sa thèse, « La montagne désarmée : une analyse des trajectoires territoriales des stations abandonnées ». Il les a répertoriées en quatre catégories.
D’abord, les réouvertures de la station, mais sous un modèle différent. « Une partie des remontées mécaniques peut être supprimée et/ou la forme de gestion peut changer et passer à de l’associatif, par exemple », explique-t-il. C’est ce qu’il s’est passé au Gascheney, dans les Vosges.
Ensuite, il peut y avoir une « réhabilitation » des espaces avec la « résidencialisation » de la station pour devenir « un petit hameau ». Le géographe cite alors Saint-Honoré 1.500, en Isère, où une cinquantaine de personnes ont réinvesti les bâtiments à vocation touristiques pour s’y installer à l’année. « La station est devenue un petit village de montagne, perdu au milieu de nulle part. Les nouveaux résidents ont profité d’un prix intéressant à l’acquisition et jouissent désormais de tous les attraits de la nature à proximité », souligne-t-il.
Les transformations et la réappropriation des stations
Autre option de reconversion : les transformations en base de loisirs. Bob luge, minigolf, VTT, marche nordique ou trail… Un ensemble d’activités, d’ordinaire d’été, sont alors proposées par des prestataires de services. C’est ce qu’il s’est passé pour la station d’Orange-Montisel, en Haute-Savoie, qui a arrêté le ski en 2013 mais qui a maintenu son activité de loisirs.
Enfin, des visiteurs peuvent se réapproprier les lieux. « Il existe un ensemble de sites où il n’y a plus de ski, pas d’activités proposées. Mais ces endroits sont toujours »utilisés » par des visiteurs pour des pratiques personnelles, détaille-t-il. Ces gens profitent du peu de fréquentation et d’un accès direct à la montagne pour s’y établir. On voit des gens faire du VTT, de la rando, du parapente mais sans que ce ne soit »encadré ». Et il peut y avoir aussi l’organisation de rave party. » Il cite alors l’exemple de Val Pelouse, en Savoie.
Organiser cette transition de l’après-ski
Pour Pierre-Alexandre Metral, il n’y a pas de modèle « viable » ou qui aurait « fait ses preuves » pour qu’il soit transposé à tous les sites stoppant leur activité de ski. « Mais on voit à partir de tous ces exemples que nous sommes loin d’une »station fantôme » où tout est abandonné. Il peut y avoir de la vie », pointe-t-il. A l’image du Col de l’Arzelier, dans le Vercors, où un hôtel, six résidences et 80 chalets individuels ont été laissés à l’abandon subitement. Les pylônes des six remontées mécaniques sont tels quels depuis la fermeture en 2008, relate Reporterre.fr. Mais la station alpine a des projets. L’ancien magasin de location de ski va se métamorphoser en boutique de pâtes vegan, un commerce de location de VTT électriques va bientôt à ouvrir.
Selon le spécialiste des trajectoires de reconversion, ce qu’il faut finalement, c’est « organiser la transition ». Plutôt que d’attendre l’annonce d’une fermeture d’une station, essayer d’anticiper « le renoncement au ski » pour éviter aux territoires de vivre des situations de vulnérabilités. « Il est nécessaire d’accepter que, dans certains cas, le ski ne sera plus viable dans le futur et qu’il faut utiliser ces années devant nous pour esquisser la montagne de demain et les reconversions qui feront le paysage de la station du futur », conclut-il.
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