Macron a demandé la bénédiction de M. Le Pen pour Barnier

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Bras de fer avec Emmanuel Macron, panique à l’Elysée… Comment Marine Le Pen a validé le choix de Michel Barnier.

Et soudain, la zizanie s’empare du palais. Jeudi 5 septembre, début de matinée. Les proches conseillers d’Emmanuel Macron se réveillent d’une nouvelle nuit sans sommeil, mais avec le sentiment du devoir accompli. La veille au soir, la piste menant à la nomination de Michel Barnier à Matignon semble avoir été déblayée de suffisamment d’obstructions pour envisager une annonce sereine.

Mais voilà : sur les coups de 8 heures, l’Élysée découvre avec stupeur les propos tenus par Jean-Philippe Tanguy, au micro de France Inter. Le député RN de la Somme, partie intégrante de la garde rapprochée de Marine Le Pen, crache sa bile souverainiste à l’encontre de l’ancien négociateur du Brexit, autoproclamé « patriote et européen ».

« M. Barnier est non seulement fossile, mais fossilisé de la vie politique, lâche-t-il de bon matin. Michel Barnier est bien connu dans tout Paris comme étant un des hommes politiques les plus stupides de la cinquième République, ne comprenant rien en dehors d’une fiche. »

« Le petit qui parle mal vient de traiter Barnier de vieux con ! »

Rue du Faubourg Saint-Honoré, les visages se crispent. Un confident du président attrape son téléphone et joint en catastrophe l’entourage de Marine Le Pen : « On ne vous comprend plus. Le petit qui parle mal vient de traiter Barnier de vieux con ! Le président est remonté. » Une incompréhension légitime tant les échanges téléphoniques entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’étaient montrés constructifs la soirée précédente.

Après avoir opposé un veto franc et décisif à l’hypothèse Xavier Bertrand – « ce qui se fait de pire dans le monde politique actuel », raille-t-elle en privé –, Marine Le Pen n’avait pas émis d’avis défavorable, sur le principe, quant à une nomination de Michel Barnier.

Le gaulliste savoyard et la figure tutélaire du Rassemblement national se connaissent à peine. Ils se sont croisés çà et là dans les arcanes du Parlement européen, sans que cela ne débouche sur la moindre rencontre mémorable. « C’est quelqu’un de très rigide, mais qui s’est toujours montré courtois à notre égard », résume un cadre mariniste.

Précisément l’une des conditions imposées par Marine Le Pen et Jordan Bardella au chef de l’État. Pour éviter une censure immédiate des 142 députés marinistes et ciottistes qui, couplée aux 193 voix du Nouveau Front Populaire, condamnerait tout exécutif, Emmanuel Macron devra installer à Matignon un profil respectueux du RN, de ses électeurs et de ses thématiques attitrées. « On ne se laissera pas faire insulter », avait prévenu le tandem à la tête du parti devant le chef de l’Etat lors du premier round des consultations élyséennes le 26 août dernier.

« On vient de lui dérober la valiser nucléaire »

La sortie de route matinale de Jean-Philippe Tanguy vient subitement remettre en cause une affaire jusqu’ici rondement menée. Le moment de creux qui suit semble durer des heures. Certains à l’Élysée s’imaginent déjà reprendre leur chemin de croix et leur piteuse quête d’un nouveau « Premier ministrable » crédible. Toute bonne farce ayant une fin, Emmanuel Macron finit par décrocher lui-même son téléphone.

À l’autre bout du fil, Marine Le Pen rassure la présidence. Ses intentions n’ont pas évolué. Jean-Philippe Tanguy a déraillé. Michel Barnier bénéficiera bien d’un laissez-passer provisoire trempé du sceau du Rassemblement national. Tampon hier infamant, aujourd’hui indispensable. L’ancien commissaire européen est officiellement intronisé deux heures plus tard. « Marine a négocié la fin de notre ostracisation. Macron nous a replacés au centre du jeu. Il nous a volé Matignon ? On vient de lui dérober la valise nucléaire », jubile un cadre.

La présidente du groupe RN se montre plus mesurée. Au téléphone, elle rappelle au président de la République que sa position n’est en rien un blanc-seing. Et que les deux autres conditions fixées par le RN (la mise en place de la proportionnelle et des mesures fortes sur le pouvoir d’achat, l’insécurité et l’immigration) ne sont en rien optionnelles. « Nous ne serons pas des complices passifs, mais des arbitres intransigeants. Nous ne sommes pas les DRH de Macron, résume un proche. S’il pense nous acheter avec des mesurettes, il va vite déchanter. Michel Barnier reste un adversaire politique. »

Un rôle aussi inédit que piégeux

Voilà le Rassemblement national embarqué dans une drôle d’aventure, revêtu pour son périple d’un costume à la mesure aussi inédite que piégeuse. Inédite ? Le Rassemblement national assoit définitivement une respectabilité politique si longtemps désirée, moins de trois mois seulement après avoir subi de plein fouet un « front républicain » dont les motivations paraissent désormais désuètes.

Le mouvement de Marine Le Pen et Jordan Bardella peut se targuer d’apparaître comme le principal artisan de la sortie de crise, le remède politique à l’inertie institutionnelle, le rempart qui aura empêché « le pire » de poser ses valises à Matignon (Lucie Castets, Thierry Beaudet et les autres).

Piégeuse ? Après l’avoir méticuleusement mis en scène ces deux dernières années, Marine Le Pen, Jordan Bardella et ses troupes voient leur statut d’opposant numéro un au macronisme s’effriter. Pis, le parti se retrouve de facto tributaire du futur bilan de Michel Barnier. Une attitude attentiste face à une politique quotidienne suffisamment RN-compatible pour échapper à une censure mariniste, mais qui ne résoudrait en rien les défis systémiques du pays, ne manquerait pas de provoquer des remous auprès de leur base militante.

À l’inverse, un exécutif qui obtiendrait des premiers résultats prometteurs, en empiétant stratégiquement sur les plates-bandes programmatiques de Marine Le Pen, pourrait convaincre un électorat droitier de plus en plus tenté par le vote RN de revenir vers « le droit chemin ». Équation complexe. Faiseur de rois est une bien ingrate besogne.

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