Brésil : « Incendies illégaux », « déforestation »… Pourquoi le pays continue de brûler malgré la chute de Bolsonaro

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Au Brésil, même les rayons du soleil étouffent dans la fumée des feux de forêt. Cette année, 48.674 départs de feu ont été comptabilisés dans le pays, soit 76 % de plus qu’à la même période il y a un an. Si l’état d’urgence n’est plus en vigueur dans 45 villes de la région de Sao Paulo, la plus densément peuplée, les foyers d’incendie repérés cette année sont déjà deux fois plus nombreux que sur toute l’année 2023.

Preuve de la gravité de la situation, la ministre de l’Environnement, Marina Silva, a estimé que le Brésil était « en guerre contre les incendies ». Car le gouvernement de Luiz Inácio Lula da Silva, revenu au pouvoir en janvier 2023, prend la menace au sérieux, contrairement à son prédécesseur, Jair Bolsonaro, qui était allé jusqu’à se présenter ironiquement comme « le tronçonneur de l’Amazonie ». L’ancien président brésilien, accusé d’être responsable des feux de forêt au Brésil, notamment en 2019, est parti en laissant derrière lui un bilan écologique dramatique.

« Les conséquences des années Bolsonaro »

Le Brésil subit, comme tous les pays du monde, les effets du réchauffement climatique qui entraîne des épisodes de sécheresse et de chaleur intense, propices à la propagation des feux. Mais le pays « paye aussi les conséquences des années Bolsonaro qui a sciemment miné et détruit les moyens de l’Ibama [la police de l’environnement brésilienne] », explique Antoine Acker, historien écologique à l’université de Genève et spécialiste du Brésil.

De plus, son discours a « complètement libéré les scrupules, les craintes de l’amende et de l’arrestation », ajoute le spécialiste du Brésil. En 2019, pointé du doigt pour sa responsabilité dans les incendies monstres, Jair Bolsonaro a été jusqu’à accuser les ONG écologistes qu’il comparait à un « cancer » d’avoir mis le feu car « elles perd [aient] de l’argent ».

Le recul progressif de l’impunité

En réalité, le « Trump des tropiques » a ouvert la voie à une déforestation massive. Entre juillet 2018 et juillet 2019, la superficie des surfaces boisées déforestées a atteint la taille du Luxembourg et a été multipliée par quatre par rapport à l’année précédente, expliquait alors le journal Libération. Or, « là où il y a des processus de déforestation, il y a des incendies », martèle Antoine Acker.

Heureusement, « depuis un an et demi [et le retour de Lula au pouvoir], il y a une baisse continue de la déforestation », se félicite-t-il. En 2023, la déforestation a diminué de 50 % par rapport à l’année précédente. Mais, avec ses discours favorables à l’agro-industrie et aux orpailleurs, « Jair Bolsonaro a créé un effet d’aubaine et certaines des forces libérées alors sont toujours en action », note Antoine Acker.

Le sentiment d’impunité recule progressivement grâce aux moyens alloués à l’Ibama, qui ressort la tête de l’eau et peut de nouveau agir. « Lorsque des orpailleurs ambitionnent de créer une mine d’or illégalement, ils viennent armés, en nombre, avec des bulldozers pour déforester. Il faut des moyens pour les arrêter ! », illustre l’historien de l’environnement.

L’humain à l’origine de 90 % des feux

Les autorités ont serré la vis et multiplié les arrestations pour déforestation, mais les surfaces déboisées se sont souvent enflammées un an après avoir été rasées, voire des années plus tard. « 70 % des zones incendiées aujourd’hui sont sur des terres déjà déboisées. Les personnes qui démarrent ces incendies se disent que c’est l’occasion d’en faire une prairie et un pâturage, c’est un moyen d’ascension sociale. De plus, elles croient qu’elles ne seront pas punies parce qu’elles n’ont pas déboisé en premier », décrypte l’historien et auteur du livre Volkswagen in the Amazon (Cambridge University Press, 2017, non traduit).

Brasilia tente de muscler sa communication alors que, d’après la défense civile de Sao Paulo, les incendies qui ont fait rage dans la région sont d’origine humaine dans 90 % des cas. Trois personnes ont d’ailleurs été arrêtées en « en flagrant délit » dans le cadre de ces feux de forêt. Malheureusement, la déforestation a encore de beaux jours devant elle. « L’équivalent d’un département français est déboisé chaque année », établit Antoine Acker qui explique que cette déforestation modifie l’équilibre écologique de la région : « Plus le climat est sec, plus il est facile de déboiser, et plus on déboise, plus le climat est sec. » Un cercle vicieux dont le Brésil ne parvient pas à s’extraire.

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