Netanyahou-Ronen Bar : un « avertissement de guerre » trop vague et ne pointant pas Gaza ?

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En juillet 2023, le chef du Shin Bet a déclaré à Netanyahu : « Je vous donne aujourd’hui un avertissement de guerre ». Il était surtout question du Hezbollah, dont l’agitation à la frontière était visible à l’œil nu et de ‘exploitation que pourrait en tirer l’Iran.

Quoi qu’il en soit, ni l’Aman (renseignements de Tsahal), ni le Shin Bet (sécurité intérieure) n’ont relevé leur niveau d’alerte à la frontière de Gaza, qui n’était pas considérée comme préoccupante. 

Divulgation : Ronan Bar, qui s’est entretenu à sa demande avec Netanyahu en vue de l’approbation de l’amendement sur caractère raisonnable, le 24 juillet 2023, a ajouté : « Nous ne connaissons pas le jour et l’heure exacts, mais ceci est un avertissement ». Lapid a demandé à Bar : « Avez-vous dit cela au Premier ministre ? et Bar a répondu par l’affirmative. Selon le Bureau du Premier ministre : « Il n’a pas reçu d’avertissement concernant la guerre à Gaza »

Le contexte des attentats venus de Judée-Samarie et du Liban

On se souvient fort bien que l’opération « Briser la Vague » était en plein essor en Judée-Samarie et n’importe quel journaliste focalisé sur le nord d’Israël peut attester d’un état d’alerte constant, à propos des agissements du Hezbollah, qui s’étend, au moins, du 14 mars 2023, lors de l’attentat au carrefour de Meggido, jusqu’à la crise des tentes plantées par le Hezbollah sur le Mont Dov (« fermes de Shebaa » selon le Liban), entre début mai et courant juillet 2023, soit tout au long de l’agitation intérieure autour de la « réforme judiciaire », avec cette première mesure d’amendement du « caractère raisonnable ».

Le chef du Shin Bet, Ronan Bar, et le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Au centre : l’ancien secrétaire militaire, le général de division Avi Gil.( Photo : Kobi Gideon, L.A.M. )

Les deux agendas, sécuritaire et judiciaire, sont donc entrés en conflit frontal, sans qu’on spécifie la région exacte qui était alors la plus menaçante, et le Hamas à Gaza attirant durant ce temps, très peu, voire pas du tout l’attention, la presque totalité de la charge sécuritaire se portant sur la Judée-Samarie et la frontière libanaise. On peut en déduire provisoirement que la ruse a opéré et aveuglé les services israéliens, même signalant qu’une guerre menaçait, sans qu’on définisse précisément d’où elle surgirait (et en minimisant le risque gazaouite). L’absence de précision sur cette origine de la menace laisse la sphère politique sans capacité de décider de mesures à prendre, pour renforcer la sécurité. De fait l’échelon décisionnel s’est concentré (probablement de façon abusive et non discutée avec les opposants à la réforme en question, accentuant le schisme national) sur son agenda judiciaire, conscient de disposer d’une majorité de 64 sièges, qui ne se reproduirait pas dans l’histoire de la droite. On peut relever plusieurs autres moments « d’avertissement », quand Netanyahou « limoge » provisoirement Yoav Gallant, autour du 25 mars, parce qu’il a osé appeler à des pourparlers sur cette réforme, de concert avec le Président Itzhak Herzog. La tentation du licenciement pour manquement à l’autorité du Premier Ministre dure environ une semaine, avec une suspension des concertations, mais débouche sur une sorte de « non-lieu », sans prise de décision…

Lapid : exploitation politique d’une faille ou avertissement public ?

Le témoignage du leader de l’opposition Yaïr Lapid, fin septembre 2023, quelques semaines avant l’invasion du Hamas, reflète ces inquiétudes au plus haut niveau, quant à la paralysie de la prise de décision sécuritaire et à son aveuglement, du côté des services de renseignements. 

« Je suis obligé d’avertir les citoyens d’Israël : nous nous rapprochons dangereusement d’un conflit violent aux multiples facettes. Mon équipe médiatique m’a conseillé de ne pas faire cette conférence de presse et j’ai dit que c’était l’avertissement que je voulais donner – disant que le leaderhip ne prête pas attention à une menace grave et immédiate pour la sécurité. Je leur ai dit qu’ils ne voyaient pas les renseignements qui sont diffusés aux décideurs au plus haut niveau et qu’il était de mon devoir public d’avertir le public d’un danger clair et immédiat ». (On songe plus au Hezbollah-Iran qu’au sud, à ce moment précis).

Les faiblesses pointées par l’ennemi

Lapid a parlé d’une série de briefings qu’il a reçus, l’un d’eux juste à côté du Premier ministre Netanyahu – un briefing donné par le secrétaire militaire du Premier ministre, le général Avi Gil. Ils ont tous mis en garde contre une détérioration régionale et l’aggravation de la situation d’Israël dans tous les secteurs. Du fait qu’Israël n’a aucune dissuasion, ou que sa dissuasion est fortement affaiblie, contre le Hamas et le Hezbollah. Le contexte était, bien sûr, celui des dissensions générées autour de la réforme judiciaire. Le sentiment des ennemis d’Israël que la société israélienne est déchirée, suite aux initiatives du ministre Levin appuyées par Netanyahu.

Le premier ministre Benjamin Netanyahu (R) rencontre le chef du Mossad David Barnea, le 18 avril 2024. (Kobi Gideon/GPO)

Le premier ministre Benjamin Netanyahu (R) rencontre le chef du Mossad David Barnea, le 18 avril 2024. (Kobi Gideon/GPO)

Prévenir la guerre par l’affichage d’un esprit de consensus national

L’essentiel des informations importantes est censé se dérouler dans la conversation entre le leader du gouvernement, Bibi Netanyahou et le chef du Shin Bet, Ronen Bar, à la veille du vote à la Knesset sur le caractère raisonnable de la loi. Le vote a eu lieu le 24 juillet 2023. Un jour avant, Bar a demandé à s’adresser au Premier ministre Benjamin Netanyahu et celui-ci le lui a accordé. C’est ainsi que leur conversation a commencé. Le chef du Shin Bet a déclaré à Netanyahu : Je vous donne ici aujourd’hui un avertissement de guerre. Je ne peux pas donner de jour et d’heure précis. Mais l’avertissement est bien réel.

La position de Bar était claire. Nos ennemis voient la faiblesse. Il est nécessaire de transmettre un large consensus national à la région afin de prévenir toute possibilité de guerre.

Bar n’est pas à la tête du renseignement sur le Hezbollah qui découle de l’Amman. Il est responsable de la zone palestinienne, en tant que chef du Shin Bet. À cette époque, la principale préoccupation du système de sécurité, il faut le souligner, se situait autour de deux scénarios :

  • le Hezbollah déclenche la guerre dans le nord et la Judée-Samarie s’y joint,
  • ou bien le Hezbollah déclenche la guerre dans le nord. Dans l’autre sens, la Cisjordanie explose en une troisième Intifada et les autres arènes (dont Gaza, alors secondaire) se joignent à elle. Mais cela n’a pas d’importance ; Bar a lancé un avertissement concernant la guerre régionale généralisée par aires d’inflexion successives, pas pour un raid particulier (du Hamas ?), ni pour une attaque (du Hezbollah, des Houtis)), ni pour une Intifada (de Judée-Samarie, à la suite de groupements comme la Fosse aux Lions, instrumentalisés par le Hamas et le Djihad Islamique, au nom de l’Iran).

Bar a reçu l’approbation et la bénédiction du Premier ministre pour rencontrer le chef de l’opposition. Il lui a dit la même chose :

« Je vous donne un avertissement de guerre aujourd’hui. Nous ne saurons ni le jour ni l’heure où ces événements éclateront. »

Lapid demande à Bar : « Avez-vous dit cela au Premier ministre ?

Bar confirme.

76 jours plus tard, le Hamas envahissait Israël. 77 jours plus tard, le Hezbollah commençait son attaque dans le nord.

Tsahal et le Shin Bet ont globalement échoué par manque de précision

Ces choses ne diminuent en rien la responsabilité de l’échec de Tsahal et du Shin Bet. Ils sont censés donner un avertissement précis en cas de guerre (ou d’une vaste opération palestinienne). Ils devraient être prêts pour elle. Et ils ont lamentablement échoué.

En même temps, dans un État fonctionnel, la responsabilité ultime incombe  au chef du oguvernement, à partir du moment où les mots « avertissement de guerre » sont prononcés, ils doivent accomplir une série d’actions (de préparation à la guerre sur toutes les frontières et ones à risques, donc y compris Gaza). Le Premier ministre Netanyahu peut prétendre qu’il n’y a pas d’échec de sa part, qu’il n’y a aucune question à laquelle il doive répondre. Mais sa responsabilité ne s’atténuera ni ne disparaîtra. Elle est là pour toujours.

Le bureau du Premier ministre a déclaré : « Le Premier ministre Netanyahu n’a pas reçu d’avertissement concernant la guerre à Gaza – ni à la date en question dans l’article ni juste avant 6 h 29 le 7 octobre.

Le faux discours de dissuasion

Au contraire, tous les responsables de la sécurité ont tenu le discours d’une dissuasion encore efficace, à laquelle « se pliait le Hamas ». Il est clair – comme le montrent les procès-verbaux des discussions jusqu’à la veille de la guerre – que le Hamas « est dissuadé et s’efforce de parvenir à un règlement. De plus, quelques jours avant le 7 octobre, le Shin Bet estimait que la stabilité dans la bande de Gaza était assurée et devrait se maintenir pendant longtemps.

Ler Bureau du Premier Ministre stipule que le Premier ministre n’avait pas reçu d’avertissement « pour la guerre à Gaza ». Il est indéniable que le chef du Shin Bet a déclaré à Netanyahu qu’il lançait un avertissement de guerre (sur tous les fronts, sans en citer un plus que les autres).

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