Emmanuel Macron a tenu sa promesse. Une semaine après l’adoption du projet de loi immigration, le président de la République a bien saisi le Conseil constitutionnel. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et plus de soixante députés s’en remettent également à cette juridiction composée de neuf membres, comme on peut le voir sur son site.
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« Eu égard à l’ampleur de l’évolution du texte par rapport à sa version initiale et à l’importance pour notre nation des droits et principes constitutionnels en cause, je souhaite, au nom de la mission que me confie l’article 5 de la Constitution, que les dispositions de la loi ne puissent être en œuvre qu’après que le Conseil constitutionnel aura vérifié qu’elles respectent les droits et libertés que la Constitution garantit », a déclaré le chef de l’Etat dans sa saisine. Il y rappelle que la loi immigration a été modifiée après son passage au Sénat et en commission mixte paritaire : 60 articles avaient été ajoutés aux 26 initiaux. Au titre de l’article 61, Emmanuel Macron préfère donc s’en remettre à l’autorité présidée par Laurent Fabius. Et se débarrasser d’un sac de nœuds ?
Pour voter son texte en commission mixte paritaire, le gouvernement s’est vu contraint de satisfaire la droite. Certaines mesures ont été largement encouragées par les Républicains, voir piochées dans le programme du Rassemblement national. De quoi susciter un tollé au sein même du gouvernement : Aurélien Rousseau, ministre de la Santé, a claqué la porte. Cette loi a aussi fracturé la majorité, entraînant une scission assez inédite de son aile gauche. Une soixantaine de députés avaient voté contre ou s’étaient abstenus lors du scrutin final. Un revers pour l’exécutif.
Apaiser la majorité
Alors, Emmanuel Macron cherche l’apaisement. Le rejet de certaines dispositions par le Conseil constitutionnel lui permettrait peut-être de faire oublier cette tempête politique. Parmi les mesures qui pourraient être sur la sellette : les quotas pluriannuels d’immigration votés par le Parlement, le rétablissement d’un délit de séjour irrégulier, ou encore la mesure renforçant les conditions d’accès aux prestations sociales pour les personnes étrangères. Autrement dit, ces aides fluctueront en fonction de la situation professionnelle et de la durée de présence en France. Un principe qui pourrait constituer une rupture d’égalité entre les personnes, en désaccord avec la Constitution. Même raisonnement pour la « caution au retour » des étudiants étrangers, qui pourrait sauter pour le même motif après lecture des Sages.
Autant de dispositions qui déplaisent à l’opposition de gauche. Le 22 décembre, ses députés avaient saisi les Sages de la rue de Montpensier afin de contester la totalité de la loi immigration et « un nombre record d’articles contraires aux principes constitutionnels ». Les élus des quatre groupes de gauche (LFI, PS, écologistes et communistes) ont indiqué dans un communiqué qu’ils devraient être « auditionnés début janvier » au Conseil constitutionnel.
De son propre aveu, l’exécutif avait admis que certaines mesures pourraient ne pas être conformes à la Constitution. Le 19 décembre, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait déclaré à la tribune du Sénat : « Des mesures sont manifestement et clairement contraires à la Constitution. Le travail du Conseil constitutionnel fera son office, mais la politique ce n’est pas être juriste avant les juristes, a avancé le ministre de l’Intérieur. La politique est d’élaborer des normes et de constater si elles sont ou pas, d’après nous, conformes. » Le lendemain, le chef de l’Etat abondait sur le plateau de France 5. « Est-ce que parce qu’il y avait des articles contraires à la Constitution il fallait dire pas de texte ? Ma réponse est non », a-t-il argué, en assumant de lutter contre l’immigration irrégulière. Aucune date de délibéré du Conseil constitutionnel n’est pour l’instant fixée concernant ces saisines.
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