Je marche sans respirer
Une dague en travers de la gorge
Je crie « rendez-nous le poème«
Et les morts s’accumulent
Je crie « rendez-moi le poème »
Et les morts s’accumulent
Un trait au crayon noir dessine un cercle
Sur ma poitrine
L’année ne s’achève pas. Elle s’enroule
Le long de nos bras, le long de nos jambes
Elle est faite pour durer.
Je compte le nombre de combattantes
Sans armes aux poings sans crans d’arrêt
Je dis leurs noms : Mahsa, Rima, Nurit.
Je dis leurs noms : Camille, Ahed, Angela, Déborah
Je dis leurs noms et tu les dis avec moi :
Zainab, Louise, Noura.
Je dis leurs noms pour atteindre la cible
Aucun autre mot ne sera prononcé :
Pas de bain de sang dans le poème.
Je m’étais promis de ne jamais écrire dans le téléphone.
Les phrases ne s’accommodent pas de l’immobilité.
Je marche sans respirer.
Une dague en travers de la gorge.
On me demande d’écrire un poème mais je ne sais écrire qu’avec mon corps.
Je ne sais rien faire d’autre alors je t’invite dans le poème.
J’espère que tu ne m’en voudras pas.
Quand on a fait l’amour pour la première fois j’ai eu envie d’un enfant
J’ai dit ton nom tout haut
Pour que tu l’entendes. Pour qu’il résonne dans la chambre.
Tu m’as dit : je t’emmènerai en Palestine.
Tu ne la quittes jamais, la Palestine. Tu la portes autour du cou.
Moi : « ça te va bien ; les colliers en or et le parfum que ton père a acheté à l’aéroport.
Ça te va bien« .
Il n’y a rien que je puisse faire d’autre qu’écrire avec mon corps.
Demain matin, au petit-déjeuner, je mettrai sur le pain, le zaatar que tu m’as donné.
Je rêverai aux histoires que tu m’as racontées.
Et à celles de ton père, qui font trembler et rire.
Je pense à la peur que les corps mémorisent
Aux lumières bleues qui brillaient dans les maisons de Nazareth.
Aux clés emportées. A la liberté, confisquée.
Je pense à ta mère, qui, hier, de tristesse
N’arrivait pas à se lever.
Je pense à Mohanad, à Ghazza où je n’ai jamais été mais que tu m’as appris à prononcer.
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