« Diviser pour mieux régner » : quand le manager marionnettiste entre en piste

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Il ne lui manque que le sceptre et le chêne de Louis IX. Après le manager quasi psychopathe et le fuyant, voici le manager omniscient. Un chef qui fait chef, sans jouer la carotte et le bâton, prêt à couvrir son équipe devant le Codir. Altier, il impressionne et il aime rayonner. Parler, bavarder même. Cela change des mutiques, ce côté « ragots » qui sait tout sur tout le monde. Pourtant quelqu’un m’a dit/Que tu m’aimais encore/C’est quelqu’un qui m’a dit que tu m’aimais encore, susurre Carla Bruni dans un autre domaine que celui du bureau. On est un peu dérangé par ce côté « je-sais-tout », même si cette aisance politique lui permet de savoir qui fait quoi, comment aborder celle-là et quelles sont les habitudes de celui-ci. Un manager qui ne se prive d’ailleurs pas de donner des détails personnels sur un collègue, ce qu’il a vraisemblablement déjà fait avec ceux qui nous battent froid. Narcissique, manipulateur et insinuateur, ce manager est cent pour cent diviseur : monarque ou marionnettiste, il passe le plus clair de son temps à organiser un collectif d’individualismes en compétition.

« Il peut faire voler en éclats la bonne ambiance dans une équipe », souligne Sandrine Weisz, journaliste responsable formation chez ITG Formation et auteure de Travailler avec des personnalités difficiles (Dunod, 2022). Il joue la rivalité en favorisant certains au détriment d’autres. Il colporte aussi des informations pour provoquer de la jalousie (« j’ai appris qu’il a un appartement les pieds dans l’eau d’où il télétravaille quand moi j’ai du mal à payer mon loyer »), de la colère (« il est le favori du patron alors qu’il ne fait rien »), du ressentiment (« pourquoi a-t-il été augmenté alors que j’en fais davantage que lui ? »). Quel intérêt si ce n’est celui de conserver son pouvoir et de tirer les fils de l’émotionnel ? L’émergence de clans, de médisances, d’un sauve-qui-peut remplacent le collectif, la camaraderie et l’entraide. « Tout le monde est vulnérable face à la manipulation », précise l’experte.

Le groupe n’existe plus, il est désormais une somme d’individualismes qui organisent des stratégies de survie afin que le grand calculateur les promeuve. « On ne le voit pas immédiatement, mais dès qu’il y a des signaux faibles, c’est que le processus est engagé ». Par exemple, ce manager flatte plus qu’il ne complimente. On a même cru qu’on était son ami. « Dans le contexte du management, faire « copain-copain » signifie tomber dans un système de favoritisme. En effet, le copinage au travail consiste à avantager certains individus au détriment des autres pour des raisons subjectives. Lorsque les autres collaborateurs s’aperçoivent de ce copinage, un sentiment d’injustice se crée. Un désengagement peut survenir ainsi que la détérioration de la cohésion d’équipe », précise Julien Godefroy (Prendre un poste de manager, Eyrolles, 2023). S’il est en outre narcissique, on n’est ni son ami, ni son égal, mais au mieux son courtisan : « ne vous attendez pas à du donnant-donnant », préviennent François Lelord et Christophe André (Les nouvelles personnalités difficiles, Odile Jacob, 2021).

La personnalité narcissique ne se sent en effet nullement obligée à la réciprocité « puisqu’elle pense qu’elle mérite ce que vous lui donnez », précisent les psychiatres. « Evitez donc de tomber dans le ‘plus je serai gentil avec elle, plus elle sera gentille avec moi’. Si c’est votre patron, ne mettez pas trop votre amour-propre en jeu quand vous êtes avec lui », insistent-ils. Ne jamais non plus lui accorder des faveurs qu’on ne veut pas renouveler. « Il faut alerter les autres », conseille Sandrine Weisz. Déjouer ses plans. Le mettre face à ses contradictions, révéler ce qu’il dit pour que tout le monde soit au courant. « Il est capable de ne montrer qu’une partie de votre mail », toujours pour embrouiller. En réunion, préciser dès le départ ce qui a été convenu avec lui. « En mettant tout à jour, il n’osera plus agir ainsi ». Recréer le collectif avec des alliés de choix : les jeunes générations. Pour elles, le manager idéal contribue à leur bien-être au sein de l’entreprise à travers un travail épanouissant et sa reconnaissance (Baromètre d’opinion sur les jeunes et l’entreprise, novembre 2023, Fondation Jean Jaurès Macif, BVA). Enfin, l’analyse si actuelle de Jean de la Fontaine au XVIIe siècle sera alors peut-être démentie : « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » (Les animaux malades de la peste, Les Fables).

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