Homme d’affaires fortuné, patron d’un club de foot renommé et leader politique aux ambitions présidentielles, Moïse Katumbi Chapwe, 58 ans, tisse sa toile avec constance et méthode en République démocratique du Congo (RDC).
Sillonnant le pays à bord de son jet privé, filmé à pied ou à vélo au milieu de foules en liesse, l’homme, généralement coiffé d’un chapeau, mène sa campagne électorale comme il conduit ses affaires, sans rien laisser au hasard et en ne lésinant pas sur les moyens. « Il y pensait depuis cinq ans, il a eu le temps d’organiser son plan de campagne« , note un diplomate.
À la présidentielle de 2018, il n’avait pas pu se présenter. Deux ans plus tôt, sous la présidence de Joseph Kabila Kabange, il avait été mis en cause dans deux affaires, l’une de spoliation immobilière, l’autre de recrutement supposé de mercenaires. La condamnation à trois ans de prison que lui avait valu la première a ensuite été annulée et la deuxième n’a pas eu de suites. Mais entre-temps, il était parti en Afrique du Sud, et n’était rentré de cet exil de fait qu’en 2019.
Privé d’élection, il avait apporté son soutien à Martin Fayulu Madidi, à qui la présidence avait échappé au profit de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo. Il a ensuite soutenu la coalition au pouvoir avant de s’en écarter fin 2022, en annonçant sa candidature à la présidentielle de 2023 sous la bannière de son parti, Ensemble pour la République.
Dans les mois qui ont suivi, les ennuis sont revenus rôder autour de lui. Un de ses conseillers, Salomon Idi Kalonda, a été arrêté fin mai, accusé de collusion avec les rebelles du « M23 » et leur parrain, le Rwanda. Un autre proche, l’ancien ministre Chérubin Okende Senga, a été assassiné en juillet, dans des circonstances non élucidées.
Un débat récurrent sur la « congolité » a par ailleurs été relancé, avec le retour sur le bureau de l’Assemblée nationale d’une proposition de loi visant à réserver aux Congolais nés de père et de mère congolais l’accès à certaines hautes fonctions. Un texte semblant taillé sur mesure pour barrer la route à M. Katumbi, dont le père était un juif séfarade né à Rhodes, du temps où cette île grecque était sous domination italienne.
Passionné de football, il devient en 1997 président du prestigieux « Tout Puissant (TP) Mazembe », club historique de son fief de Lubumbashi. Il s’implique, investit, dote le club d’un stade aux normes internationales, crée un centre de formation…
Marié, père de six enfants, catholique pratiquant et jouant régulièrement au tennis, M. Katumbi dit qu’il n’aime pas la politique et ses « mensonges« .
Il plonge pourtant dans la politique en 2007, quand il est élu gouverneur de la riche province minière du Katanga, qu’il dirigera jusqu’en 2015.
En 2013, le réalisateur belge Thierry Michel lui a consacré un documentaire, « L’irrésistible ascension de Moïse Katumbi », qui a déplu à l’homme d’affaires, dans la foulée de « Katanga Business ».
Généralement décrit comme populaire, il y était plutôt présenté par certains intervenants comme populiste, distribuant les dollars ici et là, et accusé d’avoir profité de sa position de gouverneur pour s’enrichir, ce qu’il dément.
Leader du parti Ensemble pour la République », soutenu par quatre autres candidats qui se sont désistés en sa faveur, Moïse Katumbi met en avant ses réalisations au Katanga, avec construction de routes, d’écoles et développement de l’agriculture, pour affirmer qu’il saura gérer le pays tout entier.
Cette fois, sa candidature a bien été enregistrée puis validée par la Cour constitutionnelle, qui a rejeté un recours contestant sa nationalité congolaise. Le débat est toutefois loin d’être clos. À défaut de le traiter directement d’étranger, certains adversaires, dont M. Tshisekedi, le classent parmi les candidats « des étrangers ».
« Ils mentent !« , lançait Moïse Katumbi lors d’un récent meeting, « je suis Congolais, ce pays est mon pays«
Moïse Katumbi ferait effectivement figure de principale menace pour la réélection du président Tshisekedi, car il possède un appareil de parti solide, une grande expérience politique, une renommée sur l’ensemble du territoire et des finances dont ne disposent pas les autres candidats de l’opposition.
Selon les analystes, Moïse Katumbi apparaît comme celui qui a mené la meilleure campagne et fait figure de challenger numéro 1.
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