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En Ukraine, la population face à la peur de l’oubli : « Pour nous, c’est la guerre tous les jours »

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Il y a un an, Maksym Khrouchov sortait pour la première fois dans la rue avec un drapeau ukrainien. Un bol d’air après huit mois de vie sous occupation, à Kherson, la seule capitale régionale prise par les Russes, puis libérée le 11 novembre 2022. « Au début, on n’y a pas cru, mais quand on a compris que c’était bien les nôtres, c’était l’euphorie, des larmes de joie. On s’est dit : ça y est c’est terminé, plus que deux ou trois semaines et nous récupérerons la Crimée », raconte ce père de famille qui, avec son épouse et sa fille de 15 ans, n’a jamais quitté la ville. « Nous pensions que tout irait mieux. » Pourtant, la libération de Kherson demeure la dernière bonne nouvelle militaire en date. Un an plus tard, la contre-offensive ukrainienne a été contrecarrée par les fortifications russes, impénétrables, et par le manque d’armes.

A Kherson, les troupes ukrainiennes ont établi une tête de pont de l’autre côté du fleuve Dniepr, mais elles peinent à aller plus loin. Les 70 000 habitants qui sont restés sur place – sur les 330 000 d’avant-guerre – font face au déluge du feu russe. Comme à l’époque de l’occupation, la famille Khrouchov, dont le bâtiment a été touché par un tir il y a un an, limite ses déplacements. « Le plus effrayant, c’est que notre fille s’est habituée aux bruits des bombes. Nous n’y prêtons plus attention, même si pas un jour ne se passe sans une explosion », souffle cet ingénieur du son qui aimerait partir, mais ne peut trouver un logement pour accueillir sa famille et, surtout, ses trois chats et son chien. « Notre instinct de survie disparaît avec le temps. » A l’arrêt de bus, au marché, à la maison ou dans la cour, des habitants sont blessés ou tués tous les jours par des frappes. Depuis la libération, 400 civils ont été tués et 1 700 blessés dans la ville, selon les autorités. « Quand l’invasion a commencé, c’était le choc dans le monde entier », souffle Anna, 15 ans, qui passe son temps dans sa chambre à dessiner et suivre des cours en ligne. « Deux ans plus tard, c’est comme si c’était devenu normal. » « Je comprends que les gens en Occident se fatiguent de la guerre, c’est loin. Mais pour nous, c’est la guerre tous les jours », se désole son père, qui s’inquiète de la diminution de l’aide militaire en 2024. « On ne pourra pas tenir tout seuls. »

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Près de deux ans après le début de la guerre, des tranchées aux villes bombardées en passant par les ministères de Kiev, tous les Ukrainiens craignent le même scénario catastrophe : l’arrêt de l’aide internationale. Selon le centre de recherche allemand Kiel Institute, les promesses d’aide ont atteint leur plus bas niveau entre août et octobre 2023, soit une baisse de 90 % par rapport à la même période, en 2022. Depuis le début de la guerre, les alliés de l’Ukraine et les grandes organisations internationales (Banque mondiale, FMI) lui ont promis près de 255 milliards d’euros d’aide, dont 182 milliards à court terme (déjà livrée ou prévue à l’horizon d’un an). Ces engagements comprennent 141 milliards d’euros d’aide financière, 16 milliards d’aide humanitaire et 98 milliards d’aide militaire.

« Moins nous avons d’obus, plus la guerre tue d’Ukrainiens »

« Kiev s’appuie désormais sur un noyau de donateurs, précise le Kiel Institute. Ce groupe se compose des Etats-Unis, de l’Allemagne et des pays nordiques et d’Europe de l’Est, qui continuent de promettre et de fournir une aide financière et des armements importants, comme les avions de combat F-16. » Washington reste le plus grand donateur militaire avec 44 milliards d’euros d’engagements. Mais Joe Biden a de plus en plus de mal à convaincre l’opposition républicaine de maintenir l’aide. Le président américain a clairement évoqué l’hypothèse que la guerre aille plus loin, soit une attaque russe contre un pays membre de l’Otan qui déclencherait l’entrée en guerre des Etats-Unis.

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Mais cela n’a pas suffi à convaincre l’opposition républicaine au Congrès de débloquer une enveloppe d’environ 100 milliards d’euros, comprenant des fonds pour l’Ukraine et Israël. A l’approche de l’hiver, Kiev martèle qu’il lui faudrait davantage d’armements pour éviter que les frappes russes ne plongent des millions de personnes dans le noir cet hiver, comme l’an dernier. « La Russie n’espère qu’une chose : que l’unité du monde libre s’effondre l’année prochaine », a déclaré le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, lors d’une visioconférence entre les dirigeants des pays du G7. Sur le Vieux Continent, les choses ne vont pas mieux. Les Etats membres de l’Union européenne n’ont transféré à l’Ukraine que la moitié du million d’obus d’artillerie promis jusqu’au printemps 2024. Le ministre allemand de la Défense a déjà annoncé que les objectifs ne seraient pas atteints en 2024, car la production, démarrée tardivement, patine. « Nous avons déjà senti ce manque pendant la contre-offensive », relate Andrii, officier dont la brigade d’artillerie intervient à Robotyne et Avdiivka. « Ces munitions servent à détruire l’artillerie ennemie. Mais comme nous n’en disposons pas, notre infanterie, des gens ordinaires avec des lance-grenades et des armes automatiques, meurent. Autrement dit, moins nous avons d’obus, plus la guerre tue d’Ukrainiens. »

« La perspective d’une victoire proche s’éloigne »

Les difficultés sur le champ de bataille attisent les divergences entre Volodymyr Zelensky et le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Valeri Zaloujny. Entre l’épuisement et le manque de ressources, la question de la stratégie à adopter face aux ressources humaines et militaires de Moscou se pose pour la première fois. « Il est certain que la guerre se terminera par des négociations, au moins pour un cessez-le-feu temporaire. Ce n’est pas quelque chose que nous voulons, d’autant plus qu’en ce moment ce serait à notre désavantage, explique une autre source militaire, qui veut rester anonyme. Mais si nous n’avons plus d’aide, je crains que nous n’ayons pas le choix. » Certes, des enquêtes montrent que la majorité des Ukrainiens s’opposent aux négociations avec la Russie, surtout si elles impliquent la reconnaissance de territoires perdus. « Aux yeux de la population, des négociations dévaloriseraient le sacrifice fait par les militaires et civils ukrainiens tués pendant la guerre », explique la sociologue Ioulia Shukan. « Pourtant, ajoute-t-elle, la perspective d’une victoire proche s’éloigne depuis la fin de l’été. Les autorités commencent à préparer la population à la perspective d’une guerre longue. »

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Les vivants, eux, continuent de jeter leurs forces dans le combat, malgré l’épuisement, soutenus par une armée de bénévoles à bout de souffle. Ces « volontaires » à plein temps fournissent encore l’armée en drones, voitures et ambulances à l’aide de crowdfunding. « Mais nous avons de plus en plus de mal à obtenir des dons, que ce soit des Ukrainiens, dont les fonds s’épuisent, ou des étrangers », se désole Kateryna Halouchka, du bataillon médical Hospitaliers, qui a passé un an sur la ligne de front.

« Le soir, quand résonnent les sirènes sur Kiev, je me demande comment nous pouvons nous battre sans aide des Occidentaux, sans obus et sans systèmes antimissiles. C’est un cercle vicieux d’anxiété. Je me dis qu’en 2024, l’aide va s’arrêter, l’Ukraine va tomber et que l’on va tous mourir, tués par les Russes, souffle Kateryna. Et puis je vois qu’un nouveau paquet d’aide a été voté ou qu’un étranger m’a envoyé 100 euros pour une ambulance et je respire en me disant qu’on peut vivre… au moins encore un petit peu. »

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