Emmanuel Macron, les angoisses de l’automne : rebondir, remanier, les cas Le Maire et Darmanin…

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« De temps en temps, il déborde un peu au coloriage. » Généralement, Emmanuel Macron le dit des autres. Mais aujourd’hui, c’est de lui qu’il s’agit. Une bougie allumée dans la salle des fêtes de l’Elysée au commencement de Hanoukka un jeudi soir de décembre et voici que tout s’embrase. Laïcité et universalisme jetés par-dessus de bord, s’émeut-on ici et là. Incapacité à calibrer les symboles. Ce n’était pas la bougie de Hanoukka mais celle du souvenir et de la mémoire de la Shoah, affirme le président. Sanglot d’un ami politique : « Il fait comme d’habitude, il post rationalise. » Regret d’un ami tout court : « Chez lui, tout est approximatif. »

Chez les ministres aussi, l’événement a créé un émoi. Grognement de l’un d’eux : « Encore une bonne idée de gens qui servent surtout à lui faire faire des âneries. » Le chef de l’Etat ne décide plus ? Si, naturellement, il a seulement théorisé l’irresponsabilité. Combien de fois ses collaborateurs l’ont-ils entendu prononcer cette phrase : « Fais-le si ça marche. » Et si ça ne marche pas, eh bien le coupable sera tout désigné.

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Le prochain s’appelle peut-être Gérald Darmanin. Depuis des semaines, le ministre de l’Intérieur tente de rassurer Emmanuel Macron sur le vote du projet de loi immigration : « Il y a un tiers pour, un tiers contre, un tiers un peu paumé. » Mais le président, qui aime varier les messagers, questionne et entend une autre musique. « Je ne vois pas comment ça vote, lui a glissé un stratège, inquiet. Ceux qui veulent s’abstenir chez LR se réduisent à peau de chagrin. » Un pessimisme qui inspire au chef de l’Etat, soucieux du bien-être de son prochain, cette réplique empathique : « Oh, c’est pénible pour Gérald… » Comment dit-on « ce sera sa faute et pas la mienne » en langage élyséen ? Il faut dire que le locataire de la place Beauvau a beaucoup insisté cet été – le président ne l’a pas oublié – sur sa capacité à nouer une alliance avec Les Républicains, brandissant cet atout dans l’espoir de convaincre que pour Matignon il était le bon.

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Regarder plus haut, telle est la mission d’Emmanuel Macron. Redonner de l’espérance aux Français, piétiner la surenchère politique et médiatique qui chaque fois qu’elle jaillit l’écœure. Alors, il pianote, appelle, apostrophe : « Comment on atterrit ? », et intime : « Cogite ! » Plusieurs scénarios sont à l’étude, répondant tous à la demande de « grand reset » émise par le chef. Il « touille », selon l’expression de l’un de ses interlocuteurs hebdomadaires, sans rien s’interdire. Parmi les pistes soupesées, une le tente, une l’effraie. Commençons par la deuxième. Un deal avec ces indociles LR, cheval de bataille de Nicolas Sarkozy dès la campagne de 2022. « C’est discuter avec les appareils, proteste le président dans un haut-le-cœur. Et c’est réactiver le clivage droite-gauche. » Horreur.

Le plan « grand remaniement »

Son attention, il l’accorde davantage au plan « grand remaniement ». Le chambardement (souvent promis) de janvier, comme une épiphanie. Il recueille des noms de ministres hypothétiques, en écarte d’autres. Après parution de plusieurs articles sur l’offensive politique du ministre de l’Economie, gonflé par le maintien de la note de la France par Standard & Poor’s, il aurait assuré à un visiteur : « Bruno, je ne le nommerais pas Premier ministre, son vrai défaut c’est qu’il ne s’occupe jamais des sujets difficiles. » Saluer les succès, toujours, reconnaître l’effort… Le management macronien dans toute sa richesse. L’intéressé appréciera, lui que certains ont entendu crâner récemment à Bercy : « Je suis le seul. »

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Le seul… à pouvoir mener la liste des européennes, voilà ce que pense Emmanuel Macron. Un, deux, trois émissaires auraient été priés par lui de faire entendre raison à Bruno Le Maire. Résultat : un, deux, trois refus. En guise d’appât désormais selon un stratège élyséen : « Un package : tête de liste + le poste de Thierry Breton, à la Commission. » Et le ministre romantique s’évertuant à décliner. « Mais qu’est-ce qu’il veut Bruno ? », s’agace le chef de l’Etat. Car le « reset » qu’il échafaude et qui ne peut intervenir selon lui qu’avant les élections européennes, doit comporter des messages forts. On n’annonce pas la révolution en conservant à Bercy le ministre qu’on a nommé aux premiers jours du premier quinquennat. De même qu’à Beauvau ne peut rester celui dont le bilan aura été entaché par les tergiversations et bien plus peut-être nées du projet de loi immigration. Et que dire de la ministre des Affaires étrangères à l’heure où la situation au Proche-Orient oblige la France à tenir un discours ferme et fort ? « Catherine Colonna dirige son ministère comme une grosse ambassade », érafle un proche du président qui l’imagine imminemment débarquée. Drôle de raisonnement. N’est-ce pas précisément ce que le chef de l’Etat, enivré d’international, désireux de s’impliquer dans tous les conflits du monde, attend de la résidente du Quai d’Orsay ?

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Autre « domaine réservé » : l’Education. Gabriel Attal met en scène son autorité et sa volonté, difficile de le muter. Quelques jours avant les mauvais résultats de la France dans le classement Pisa, le ministre esquisse son plan pour rehausser le niveau scolaire. Malin. Surtout de la part du président qui, en petit comité, se réjouit : « Je lui ai fait sortir ses annonces plus tôt, c’est bon ! » J’assume pleinement la responsabilité de cette réussite et j’en tire les conclusions en martelant que tout arrive grâce à moi.

Et quand ce n’est pas le cas ? Quand un succès surgit et qu’Emmanuel Macron s’en tient trop éloigné pour pouvoir s’en attribuer une quelconque responsabilité ? Silence assourdissant. La présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, et le président du Sénat, Gérard Larcher, peuvent témoigner : ils attendent encore les encouragements ou les remerciements du chef de l’Etat après leur grande marche contre l’antisémitisme et le racisme. Ont-ils cru qu’Emmanuel Macron viendrait ? « Pas un seul instant ! Ce n’était pas son idée. » L’enfer c’est les autres.

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