Alors que Vladimir Poutine vient d’annoncer, ce vendredi 8 décembre, qu’il se présentait à l’élection présidentielle prévue le 17 mars 2024, les autorités de plusieurs villes russes, dont Moscou et Saint-Petersbourg, sont occupées à camoufler un fait bien embarrassant : des panneaux d’affichage qui appellent à voter contre Poutine lors de cette élection, installés la veille de l’annonce de la candidature du président.
Sous le mot « Russie », écrit en énormes lettres, figurent des inscriptions plus petites – « Tout va certainement s’arranger » ou « Bonne année ». Sur le côté figure un QR code géant, via lequel l’utilisateur, censé être redirigé vers un concours anodin pour les fêtes de fin d’année, se retrouve sur le site « La Russie sans Poutine ». Sur la page d’accueil, on ne lit pas les règles d’un jeu pour gagner des cadeaux, mais l’annonce d’une contre-campagne électorale : « Pour Poutine, l’élection de 2024 est un référendum sur l’approbation de ses actions et de la guerre [en Ukraine]. Le 17 mars, la Russie doit réaliser que la majorité ne veut pas de Poutine à la tête du pays ».
Ces affiches sont l’œuvre d’opposants bien connus : la Fondation anti-corruption, le parti d’Alexeï Navalny, pour qui « les résultats du vote seront truqués, mais notre tâche est de faire comprendre à tous, sans eux, que la Russie n’a plus besoin de Poutine ».
« Personne ne fera ça à notre place »
La stratégie que défend Alexeï Navalny pour contrer la réélection du président est claire : voter pour tout autre candidat que le président russe. Il appelle les citoyens à « convaincre au moins 10 personnes de s’opposer à Poutine » dans les 100 prochains jours, durée qui les séparent de la date fatidique de l’élection. « Tout le monde peut participer à la campagne par des appels téléphoniques de prospection. […] Tous ceux qui ont quitté le pays peuvent faire ce genre de démarchage. C’est très simple, il suffit d’essayer », a déclaré Ivan Jdanov, directeur de la Fondation Anticorruption en vidéo. Les citoyens sont également incités à diffuser cette campagne anti-Poutine dans les rues par des tracts et sur les réseaux sociaux. « Personne ne fera cela à notre place », pointe Maria Pevchikh, présidente du Conseil d’administration du parti de Navalny.
Cette campagne, la « plus importante » pour eux, a mobilisé les équipes de Navalny depuis des mois. Ce travail est le fruit d’une longue réflexion. Une enquête d’opinion a été organisée pour connaître l’attitude des Russes à l’égard de la campagne présidentielle de 2024, via un formulaire de 10 questions. Environ 30 000 personnes se sont déclarées prêtes à boycotter les élections, tandis que plus de 45 000 ont signalé être partantes « pour n’importe quel candidat contre Poutine ».
Le sort inquiétant de Navalny en prison
Au même moment, les conditions de détention de Navalny inquiètent. Emprisonné dans une colonise pénitentiaire à plus de 250 kilomètres de Moscou, l’opposant n’a pas pu donner signe de vie au monde extérieur depuis trois jours. « Aujourd’hui, Alexeï Navalny n’a pas été traduit en justice par liaison vidéo. L’employé de la colonie pénitentiaire a signalé qu’il y avait une « urgence » et qu’il n’y avait pas d’électricité », a déclaré sur X ce 8 décembre Kira Yarmish, la directrice du communication de la Fondation Anticorruption. Nul ne sait si sa non-comparution a un lien avec la campagne anti-Poutine qui vient d’être lancée.
Depuis 2021, Navalny est emprisonné dans un établissement pénitentiaire de « haute sécurité », où il vit dans des conditions de détention ultra-strictes. Alors que le compteur des 1 000 jours d’emprisonnement a été dépassé au mois d’octobre, les autorités ont annoncé le transfert du prisonnier politique dans un établissement à cellule unique pour une période de douze mois. Au mois d’octobre, trois de ses avocats ont été arrêtés ou visés par des perquisitions.
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