Photo : L’activiste palestinienne Nariman Tamimi serre dans ses bras sa fille Ahed Tamimi, 22 ans, de Nabi Saleh, qui a été libérée d’une prison israélienne dans le cadre de l’échange de 30 prisonniers palestiniens contre 13 otages détenus par le Hamas, Ramallah. Crédit : activestills
La semaine dernière, après des semaines de bombardements incessants sur Gaza, Israël a accepté d’interrompre temporairement son assaut après avoir négocié une trêve avec le Hamas par l’intermédiaire de médiateurs au Qatar et en Égypte.
Bien que l’accord avec le Hamas comprenne la cessation des hostilités et l’entrée d’une quantité limitée d’aide dans la bande de Gaza, l’accord dépendait d’un facteur clé : l’échange de prisonniers.
Au départ, les deux parties ont convenu d’une pause de quatre jours, susceptible d’être prolongée jusqu’à dix jours, selon le gouvernement israélien.
Au cours des quatre premiers jours, le Hamas devait libérer 50 femmes et enfants israéliens qu’il détient à Gaza en échange de 150 femmes et enfants palestiniens emprisonnés par Israël.
L’accord pourrait être prolongé d’un jour supplémentaire pour chaque dizaine d’Israéliens que le Hamas libère de Gaza, qui seraient à leur tour échangés contre 30 Palestiniens détenus en Israël.
Toutefois, les grandes lignes de l’accord limitaient les échanges potentiels aux femmes et aux enfants civils des deux camps qui sont encore en vie.
Ainsi, le nombre maximum de jours a été plafonné à 10, car on estime qu’un maximum de 100 femmes et enfants israéliens sont détenus par des Palestiniens à Gaza.
Cette mise en garde était importante pour de nombreux politiciens israéliens qui ont déclaré à plusieurs reprises que le bombardement de Gaza devait reprendre dès la fin de la trêve.
À l’exception d’escarmouches limitées et de violations israéliennes mineures, les quatre premiers jours de la trêve se sont déroulés relativement comme prévu, si bien qu’elle a été prolongée de deux jours, puis d’une journée supplémentaire jeudi.
Des pourparlers sont en cours pour prolonger la trêve et permettre à tous les enfants et femmes non combattants détenus à Gaza d’être libérés au cours de la période de dix jours.
Mais alors que la trêve se poursuit, d’importantes questions commencent à se poser. Un autre accord sera-t-il conclu pour libérer d’autres catégories de prisonniers détenus à Gaza et en Israël ? Quel sera le prix à payer de part et d’autre ? Cet accord pourrait-il déboucher sur un cessez-le-feu durable ?
Autres catégories
Israël détenait environ 5 300 Palestiniens avant le début du conflit. Depuis le 7 octobre, les forces israéliennes ont arrêté plus de 3 300 personnes supplémentaires en Cisjordanie occupée, à Jérusalem-Est et à l’intérieur du territoire israélien. Des centaines d’autres ont été arrêtées à Gaza.
Certaines ont été libérées après un bref interrogatoire ou une brève détention. Le nombre exact de personnes encore détenues n’est pas clair, d’autant plus que les forces israéliennes continuent d’arrêter des dizaines de personnes chaque jour.
Selon les estimations israéliennes, les groupes armés palestiniens basés à Gaza ont capturé au moins 240 personnes lors de l’attaque du 7 octobre contre le sud d’Israël.
Le Hamas, qui détient la grande majorité d’entre elles, n’a pas fourni de chiffres exacts, mais estime qu’il y en a jusqu’à 250 détenues par diverses factions et individus.
Le groupe a déclaré qu’au moins 60 personnes avaient été tuées dans des frappes aériennes israéliennes, ainsi que leurs gardes, mais n’a fourni aucun autre détail ni aucune preuve.
Jusqu’à présent, 102 captifs ont été libérés. Parmi eux, 74 femmes et enfants israéliens ont été libérés dans le cadre de l’accord, y compris ceux qui ont la double nationalité, et 24 étrangers et femmes israéliennes âgées ont été libérés par le Hamas sans conditions, dans ce que le groupe a qualifié de geste de bonne volonté.
Si tous les civils, femmes, enfants et ressortissants étrangers sont libérés lors d’éventuelles prolongations de la trêve actuelle, on estime que 110 à 120 Israéliens resteront à Gaza. Presque tous sont des hommes, à l’exception de quelques femmes soldats.
Au début de la guerre, le Hamas a déclaré qu’il était prêt à libérer tous ses prisonniers, y compris les soldats en service actif – dont le nombre est estimé entre 20 et 30 au total – en échange de la libération de tous les prisonniers palestiniens.
Le groupe a déclaré qu’il était prêt à conclure un accord d’échange « tous pour tous » ou à le diviser en plusieurs échanges de moindre importance.
« Nous avons des femmes prisonnières, et l’occupation a des femmes prisonnières. Nous avons des civils, des malades et des personnes âgées, et l’occupation détient des personnes de la même catégorie. Nous avons des soldats et l’occupation détient des combattants », a déclaré le mois dernier Abu Ubaida, porte-parole de la branche armée du Hamas.
Alors que toutes les femmes et tous les enfants pourraient être libérés d’ici la fin de la semaine, l’attention se porte sur ce qu’il adviendra des autres.
Le Qatar a accueilli cette semaine les chefs des services d’espionnage d’Israël et des États-Unis, lors d’une réunion à laquelle participaient également des responsables égyptiens, afin de discuter des « paramètres possibles d’une nouvelle phase de l’accord de trêve » et d’un éventuel cessez-le-feu permanent, a rapporté Reuters.
Selon David Ignatius, chroniqueur au Washington Post, les négociateurs se sont mis d’accord sur cinq catégories de prisonniers israéliens à échanger à l’avenir.
Citant une source « proche des négociations », M. Ignatius a déclaré que ces catégories étaient les suivantes : « les hommes trop âgés pour le service militaire de réserve, les femmes soldats, les réservistes masculins, les soldats masculins en service actif et les corps des Israéliens décédés avant ou pendant la captivité ».
Ces catégories suggérées sont similaires à celles décrites précédemment par le Hamas.
Le groupe avait qualifié les échanges de femmes et d’enfants d’ »humanitaires » et laissé entendre que les discussions sur la libération des soldats se dérouleraient dans un cadre différent.
Les dirigeants du groupe ont laissé entendre que de tels pourparlers devraient avoir lieu après un accord sur un cessez-le-feu permanent et éventuellement l’allègement du siège de Gaza.
L’arrêt de la guerre à ce stade, quel qu’en soit l’objectif, ne sera pas bien accueilli par les partis d’extrême droite israéliens, dont les dissensions menacent la stabilité du gouvernement.
Itamar Ben Gvir, ministre de la sécurité nationale et chef du parti « Puissance juive », a prévenu mardi que l’adoption d’une telle mesure reviendrait à « faire éclater le gouvernement ».
Bezalel Smotrich, ministre des finances et chef du parti du sionisme religieux, s’est fait l’écho de la mise en garde de Ben Gvir contre l’élargissement de la trêve actuelle. »Il s’agit d’un plan visant à éliminer l’État d’Israël. Nous continuerons jusqu’à la victoire absolue, si Dieu le veut, et la destruction des nazis du Hamas » a-t-il déclaré.
Un autre point litigieux en Israël est la libération des Palestiniens condamnés pour le meurtre d’Israéliens dans des actes que les Palestiniens considèrent comme faisant partie de leur lutte armée contre l’occupation. L’approbation d’une telle mesure se heurterait probablement à une certaine réticence au niveau national.
Lors de l’échange de prisonniers de 2011, Israël a libéré 1 027 Palestiniens en échange d’un soldat israélien détenu par le Hamas.
Yahywa Sinwar, chef du mouvement à Gaza et ennemi public numéro un d’Israël, figurait parmi les prisonniers libérés.
Scénarios possibles
Selon Ismat Mansour, expert des affaires israélo-palestiniennes, une prolongation de l’accord actuel est possible, mais il est peu probable qu’elle mette fin à la guerre.
« Israël s’obstine à tuer et nous avons vu [le Premier ministre Benjamin Netanyahu] et d’autres responsables dire que leurs objectifs n’ont pas encore été atteints », a déclaré Ismat Mansour à Middle East Eye.
L’analyste basé à Ramallah a prédit l’un des scénarios suivants.
Selon lui, Israël pourrait reprendre ses bombardements sur Gaza pendant une longue période afin d’exercer une plus grande pression sur le Hamas.
En cas d’échec, cela pourrait signifier un retour à des accords similaires à court terme pour faciliter d’autres échanges limités de prisonniers.
En cas de succès, le Hamas pourrait être contraint de s’asseoir à la table des négociations et d’accepter les conditions israéliennes.
Une possibilité peu probable, a-t-il ajouté, serait qu’Israël parvienne à récupérer certains des prisonniers au cours d’opérations militaires.
Toutefois, M. Mansour a déclaré qu’un échange majeur incluant tous les prisonniers était toujours possible, mais que le prix à payer « serait très important ».
Il faudra au Hamas beaucoup de « persévérance et de constance » pour atteindre cet objectif, a-t-il ajouté.
Les futurs accords pourraient même aller au-delà des échanges de prisonniers, a-t-il expliqué. Ils pourraient inclure des discussions politiques sur l’avenir de la sécurité, de la gouvernance et du blocus de Gaza.
Traduction : AFPS
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