Guerre Israël-Hamas : cette doctrine derrière les bombardements de Gaza

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Des milliers de bâtiments endommagés, brisés et, pour certains, rasés. La destruction à grande échelle est le résultat le plus visible de l’opération menée par Israël dans la bande de Gaza pour « anéantir » le Hamas, conséquence du massacre de 1200 personnes perpétré par le groupe terroriste le 7 octobre. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU estime que 45 % des logements du territoire auraient été abîmés ou détruits. Dans la zone nord, où les forces israéliennes mènent une opération terrestre, l’analyse des données satellites par le site Bellingcat évalue, de son côté, qu’entre 37 et 49 % des immeubles ont subi des dommages apparents.

A cela s’ajoute un terrible bilan humain, confirmé par des images de civils blessés ou morts – le ministère de la Santé du Hamas évoque plus de 15 000 personnes tuées, dont 70 % de femmes et d’enfants. Ces dévastations procèdent bien d’un modus operandi pour Israël et sont les héritières d’une stratégie militaire dévoilée en 2006. Celle-ci est parfois présentée comme la doctrine « Eizenkot », du nom du général qui dirigeait alors les forces armées israéliennes, Gadi Eizenkot – il est à présent membre du cabinet de guerre formé le 11 octobre pour gérer l’attaque du Hamas –, ou la doctrine « Dahiya », quartier chiite de Beyrouth massivement bombardé lors du conflit israélo-libanais de 2006.

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« Les forces israéliennes avaient détruit toute cette zone pour signaler au Hezbollah que s’il défie Israël, ce ne seront pas seulement ses militants qui seront visés, mais tous ceux qui les supportent », rappelle Michael Kobi, chercheur à l’Institut national d’études stratégiques, basé à Tel-Aviv. Un câble diplomatique américain de 2008, publié par Wikileaks, avait, lui, précisé qu’Eizenkot avait « déclaré qu’Israël userait de façon disproportionnée de la force sur tout village qui tirerait sur Israël, causant de grands dégâts et destructions » et que, pour lui, « ce ne sont pas des villages civils, ce sont des bases militaires ». Une façon, aussi, de dissuader tout adversaire souhaitant perpétrer une attaque contre l’Etat hébreu.

En territoire palestinien, cette utilisation massive de la force n’est pas nouvelle. « C’est la façon dont Israël opère depuis longtemps, avec pour essence de faire payer à l’autre un prix élevé s’il vous attaque », estime Yossi Mekelberg, du groupe de réflexion londonien Chatham House, en référence aux interventions à Gaza depuis 2008. Après le 7 octobre, cet usage de la force a d’abord pris la forme d’un bombardement massif par l’aviation et l’artillerie. Les troupes ont ensuite entamé leurs opérations au sol, sous soutien aérien, avec le recours à des blindés, des tanks et des bulldozers. Depuis la fin de la trêve sur les sept derniers jours de novembre, l’armée israélienne a annoncé étendre ses opérations au sud de Gaza, où elle bombarde massivement – elle a indiqué avoir mené « environ 10 000 frappes aériennes » au total depuis le 7 octobre – et a débuté une pénétration terrestre par ses blindés.

Une stratégie « immorale »

Ces frappes en nombre ne sont pas que punitives. Elles visent également des cibles militaires pour la protection maximale des soldats déployés au sol. Ce « risque zéro pour nos forces […] accorde la plus haute priorité à la sécurité des combattants israéliens », explique dans une tribune Nadav Weiman, dirigeant de l’ONG de vétérans Brisons le silence, « en transférant alors le risque sur les civils de Gaza, même s’ils ne sont pas impliqués dans les hostilités ». Une stratégie qu’il juge « immorale » au regard de ses conséquences. « Une catastrophe humanitaire se déroule sous nos yeux », s’est ainsi ému le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Emmanuel Macron a lui dénoncé de « trop nombreuses pertes civiles ».

Près d’un mois et demi après le début de l’opération terrestre, la force brutale reste de mise, même si certains analystes, comme Michael Kobi, assurent que l’armée fait preuve de retenue. « Les soldats israéliens se battent à Jabaliya et Beit Hanoun [partie nord de Gaza], maison par maison, au prix de pertes, alors que le plus simple serait de bombarder, assure le chercheur, auparavant chef du bureau palestinien au ministère des Affaires stratégiques. Mais Israël tient compte du droit international et favorise l’évacuation des civils, même si le Hamas les utilise comme boucliers humains, il n’y a d’ailleurs pas eu de bombardement sur l’hôpital Al-Chifa, alors que c’était l’une des bases principales du Hamas. »

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Selon Tsahal, 75 de ses soldats ont été tués dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre. C’est vraisemblablement moins que les morts parmi les combattants du Hamas – 5000 affirme l’armée -, mais au prix de nombreux morts parmi les civils gazaouis. « Le Hamas doit être détruit, il n’y a aucun doute là-dessus », précise dans un post l’ancien colonel des troupes de marine et historien Michel Goya. Mais selon, lui, « on aurait pu espérer, à condition d’avoir des soldats solides et disciplinés, en prenant le temps et un maximum de précaution pour atteindre le cœur de l’ennemi, éliminer le maximum de ses combattants et détruire ses infrastructures sans tuer des milliers et des milliers de civils ». Mais cette approche aurait eu un prix que l’armée israélienne se refuse à payer : un plus grand nombre de pertes dans ses rangs.

La poursuite de la doctrine Dahiya risque cependant d’isoler Israël. « Plus la guerre est longue, plus il y a de dégâts et plus Israël risque de perdre ses soutiens occidentaux, souligne Yossi Mekelberg. On voit que le conflit affecte les sociétés en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Et puis il y a le risque que plus de jeunes palestiniens tombent dans les mains des extrémistes. » Un avis partagé par Nadav Weiman, pour qui, « l’horrible attaque du 7 octobre a clairement montré que la défense d’Israël nécessite une approche différente ». Et d’ajouter : « La leçon que nous devrions tirer des conflits passés est que la force seule ne peut pas nous offrir, à nous, Israéliens, la sécurité que nous méritons. »

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