7-Octobre, Sydney: ne différons plus les mots

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7-Octobre, Sydney: ne différons plus les mots

Les drapeaux sont en berne dans toute l’Australie ce lundi après l’attaque terroriste de Bondi Beach

Patrick Atlan

Pour la première fois, dans un rapport publié le 11 décembre, Amnesty International a accusé le Hamas d’avoir perpétré des crimes contre l’humanité lors des attaques du 7-Octobre. Dans le même temps, hier en Australie, deux islamistes — un homme de 50 ans et son fils de 24 ans — ont ouvert le feu sur une plage où se déroulait une célébration de la fête juive de Hanouka, faisant au moins quinze morts et des dizaines de blessés.

Il aura fallu plus de deux ans à Amnesty International pour finir par dire, dans son rapport du 11 décembre dernier, ce que tout le monde avait déjà compris. Le 7 octobre n’était ni une zone grise ni un chaos mal documenté, mais une attaque programmée contre des civils, avec son immense cortège de morts, de corps profanés, de femmes violées, d’otages malmenés et exhibés. Les faits étaient là. Ce qui manquait, ce n’était pas la lumière, mais le courage de l’allumer.

Ce retard n’est pas un épiphénomène. Il est devenu le symptôme d’un monde qui hésite à nommer certains crimes quand leurs victimes dérangent l’ordre moral dans lequel on s’est installé.


Et puis, ce dimanche, il y a eu Sydney. Une plage, des bougies, de la musique, des chants. Des gens réunis, visibles, reconnaissables, paisibles, pour fêter Hanouka face à la mer. C’est précisément ceux-là – qui n’étaient pas là par hasard – qui ont été visés comme des lapins de foire. Shootés, dézingués, butés à la kalachnikov.

Sydney n’est pas le pogrom du 7 octobre, bien sûr. Le théâtre n’est pas le même, ni l’ampleur du massacre – et un courageux dénommé Ahmed a sans doute permis d’épargner des vies. Mais la différence n’est pas de nature, seulement de degré. Dans les deux cas, la violence islamiste obéit à la même logique. On ne frappe pas des individus pour ce qu’ils font, mais un groupe pour ce qu’il est, en l’occurrence des juifs. La mort devient un message, le corps, un argument, la cible, une identité.

C’est exactement ce que le droit international a tenté de penser après 1945. Raphael Lemkin l’avait compris avant tout le monde, le crime commence bien avant les charniers, au moment où un groupe humain est déclaré indésirable. Il ne s’agit pas de quantité de morts, mais de désignation.

On se rassure souvent avec les chiffres. On se dit qu’il faut attendre, comparer, contextualiser. Illusion confortable. Le droit ne demande pas combien sont morts, mais pourquoi ils ont été visés. Le véritable scandale n’est donc pas seulement qu’Amnesty ait mis plus de deux ans à reconnaître l’évidence du crime contre l’humanité perpétré par le Hamas et les autres groupes palestiniens, mais de trouver ce délai acceptable.

Le 7 octobre relevait de cette dynamique génocidaire. Sydney en montre aujourd’hui la version réduite, presque nue, débarrassée de toute excuse géopolitique. Un même crime contre l’humanité derrière lequel, dit-on, la main assassine de l’Iran.

Le crime contre l’humanité n’est pas seulement un crime contre des hommes, selon Hannah Arendt, mais contre l’humanité elle-même, parce qu’il nie à certains le droit d’appartenir au monde commun. C’est cela, précisément, qui se joue quand des hommes, des femmes et des enfants sont attaqués en tant que juifs, que ce soit dans un kibboutz ou sur une plage australienne.

À force de différer les mots, on finit par différer les consciences. On ne nie pas les crimes, certes, mais on les ajourne, on les entoure de précautions, on les contextualise, on attend que le moment soit politiquement respirable pour les qualifier. En français, cela s’appelle de la veulerie.

Et qu’est-ce que la veulerie ? C’est une lâcheté qui a appris à bien s’habiller, qui parle doucement, qui invoque la prudence, et qui se donne des airs de sagesse pour ne pas avoir à risquer l’essentiel.

Une femme émue près de Bondi Beach à Sydney, le lendemain de l’attentat, 15 décembre 2025 © Mark Baker/AP/SIPA
JForum.fr avec causeur.fr

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