2026 : Une année de clarifications ?
par Amir Taheri
Dans certaines civilisations anciennes, chaque année était désignée par un nom plutôt que par un numéro. Par exemple, il y avait l’Année de la sauterelle, l’Année du déluge ou l’Année de la moisson dorée.
Dans cette même veine, quelle étiquette vous semblerait appropriée pour 2025 ?
On pourrait l’appeler l’Année des Impressions. Cette appellation se justifierait par la douzaine de tentatives avortées de consolidation de la paix à travers le monde, les compromis fragiles sur les tarifs douaniers et le commerce, et l’inertie masquée par une hyperactivité. Au cours de l’année écoulée, les dirigeants ont passé plus de temps à voyager d’un endroit à l’autre, à prononcer des discours, à donner des interviews télévisées, à inaugurer des inaugurations et à multiplier les contacts qu’à s’attaquer aux problèmes fondamentaux du moment.
L’impressionnisme est un courant pictural où les objets réels ne sont jamais représentés de manière photographique. On y voit une forme qui ressemble à un arbre sans en être un, et une silhouette humaine qui pourrait être celle d’une danseuse de flamenco sans l’être.
Ainsi, en politique impressionniste, on trouve des mots et des actes qui suggèrent des réalités sans les figer dans un cadre précis.
Quelques exemples: l’ancien ordre mondial est censé s’effondrer, mais à y regarder de plus près, il pourrait être stable malgré sa fragilité. Les États-Unis sont censés quitter l’OTAN, mais renforcent en réalité leur présence militaire en Europe. Un accord de paix prometteur en Ukraine semble à portée de main, mais lui échappe sans cesse.
Un plan prometteur pour régler le conflit israélo-palestinien est dévoilé, mais se dissout rapidement dans des ténèbres de plus en plus profondes.
La République islamique d’Iran semble avoir perdu de son influence, mais elle revient fréquemment avec une rhétorique plus provocatrice.
La Chine est au bord de l’invasion de Taïwan, mais recule timidement à chaque fois. L’affichage de vertus morales a également été une caractéristique marquante de l’année 2025, avec divers pays et des dizaines de personnalités publiques, sans parler de n’importe qui, se vantant de telle ou telle victime, réelle ou imaginaire, sur fond d’accusations de génocide, de crimes contre l’humanité et de boycotts.
Autrement dit, 2025 fut une année de mascarade politique. Mais qu’en sera-t-il de 2026 ?
Une réponse évidente est que la mascarade pourrait continuer.
Il est plus facile de pratiquer la politique comme un art de la gesticulation que comme un artisanat qu’Aristote considérait comme l’apogée de l’ingéniosité humaine.
Néanmoins, au risque de passer pour un optimiste béat, on pourrait espérer que 2026 devienne une année de clarifications, où les images impressionnistes esquissées ici et là se concrétisent en réalités tangibles.
Pour que cet espoir se réalise, plusieurs conditions doivent être réunies. Le président Donald J. Trump devrait consacrer moins de temps à son compte Truth Social et se concentrer davantage sur une stratégie gagnante pour les prochaines élections de mi-mandat. Ses adversaires, quant à eux, sabrent déjà le champagne, anticipant sa défaite et son retour à un mandat en fin de mandat.
Cependant, l’inverse semble plus probable : une victoire écrasante de Trump et une nouvelle défaite historique pour le Parti démocrate, paralysé par son aile gauche irréfléchie. Comme l’ont montré les récentes élections en Amérique latine, la politique trumpienne continue de gagner du terrain à travers le monde.
L’Union européenne, que l’on pourrait désormais qualifier d’« homme malade de l’Europe », pourrait être contrainte de repenser sa structure manifestement défaillante afin de reconquérir un rôle mondial à la hauteur de sa puissance économique et de son prestige culturel.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky devrait cesser de voyager à outrance et se concentrer davantage sur le nettoyage de ses écuries et la préparation des élections.
Il existe des blessures qui ne peuvent être guéries instantanément par une potion magique, et le mieux que l’on puisse faire est d’arrêter le saignement.
L’OTAN n’est pas au bord du gouffre, mais pour conserver toute sa pertinence, elle doit se garder de toute tentation de se présenter comme un acteur indépendant. Dans ce contexte, le récent discours du secrétaire général Mark Rutte, où il semblait croire que l’OTAN est déjà en guerre contre la Russie, constitue une gaffe surprenante de la part d’un homme politique réputé pour sa prudence et sa finesse.
De son côté, le président russe Vladimir Poutine doit se rendre compte que la guerre en Ukraine ne peut pas se terminer selon ses conditions.
En Chine, le président Xi Jinping commence à comprendre qu’il a d’autres chats à fouetter que l’annexion de Taïwan. Loin des projecteurs, une nouvelle élite économique émergente, protégée par le Parti communiste, se sent suffisamment forte pour murmurer des critiques à l’égard de certains aspects de la politique de Xi.
Le Japon se réorganise pour entrer sur la scène mondiale en tant qu’acteur politique actif, tout en dévoilant un programme ambitieux visant à corriger son déficit démographique catastrophique.
Au Moyen-Orient, les discussions sur une solution à deux États se poursuivront en attendant l’émergence d’une formule de coexistence envisageable.
Des dizaines d’entreprises internationales se frottent déjà les mains à l’idée de décrocher des contrats juteux pour la reconstruction de la Syrie. Cependant, cela ne sera possible qu’après la stabilisation du Liban en tant qu’État souverain, capable d’accueillir les sièges régionaux des entreprises mobilisées pour la reconstruction, si et quand son nouveau gouvernement parviendra à exercer son autorité sur l’ensemble du territoire.
L’Iran demeure une énigme enveloppée de mystère. Dans les contes populaires persans, les protagonistes se retrouvent souvent à un carrefour appelé « Que faire maintenant ? »
Toujours en proie à une crise d’identité, la Turquie, sous la présidence de Recep Tayyip Erdogan, ressemble à une fontaine dont le débit ne cesse de monter. Or, nous savons que les fontaines finissent par retomber lorsqu’elles atteignent leur point culminant.
Attention : les éléments ci-dessus doivent être considérés comme des observations et non comme des prédictions.
Bonne année 2026.
Amir Taheri a été rédacteur en chef du quotidien iranien Kayhan de 1972 à 1979. Il a travaillé pour ou écrit pour d’innombrables publications, a publié onze livres et est chroniqueur pour Asharq Al-Awsat depuis 1987.
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